Par Michel de Laforce
Noms d’oiseaux, portes qui claquent, messages incendiaires, réunions boycottées : 85 % des salariés reconnaissent avoir été confrontés, pendant leur travail, à diverses formes de conflits, souvent violents, parfois plus sournois. Une étude internationale récente (1) met le doigt sur ce sujet délicat, voire tabou – et pourtant central dans l’entreprise : l’existence de conflits interpersonnels. Les cadres sont les premiers concernés : en effet, 24 % des conflits ont lieu entre les managers hiérarchiques directs et leurs subordonnés, 20 % entre les différents niveaux de management, 8 % entre managers intermédiaires – sans compter les conflits qui agitent les directions, dans le secret de bureaux bien insonorisés !
Quels sont les causes et les effets de ces conflits ?
Le plus souvent, ces conflits témoignent de dysfonctionnements qui dépassent les mésententes avec des personnes « impossibles », voire « toxiques ». Les motifs invoqués vont de la mauvaise organisation du travail au manque de c larté sur le partage des responsabilités, en passant par la disparité dans la formation des équipes et les discriminations. Les points critiques sur lesquels se focalisent les tensions sont souvent très concrets : espace de travail, horaires, incompréhensions, favoritisme réel ou ressenti, problèmes répétés de communication entre les équipes, manque de cohérence dans les procédures menant à des injustices… Il peut aussi s’agir d’une absence ce considération : considérer comme un mode de gestion « normal » le fait de ne pas répondre aux questions d’un collaborateur, c’est nier son existence en tant que personne. Autant de situations, qui ne l’oublions pas, doivent alerter le syndicaliste cadre de la FIECI !
Selon cette étude, les causes de conflits les plus flagrantes sont :
• les chocs de personnalités et les conflits d’ego pour 49 % des salariés,
• le manque d’honnêteté pour 26 % – mais pour 36 % chez les salariés français,
• le stress pour 34 %,
• la surcharge de travail pour 33 %
• des différences de valeurs pour 18 %.
Gérer ces conflits au quotidien a un coût pour l’entreprise, évalué, en France, à 1 h 50 par semaine. Mais, pour les salariés, faire le décompte du temps perdu ne suffit pas. Pour eux, ce coût est bien plus élevé. Au niveau individuel, ces conflits se traduisent par :
• des attaques personnelles et des insultes pour 27 % des salariés,
• des maladies et des arrêts de travail pour 25 %,
• du harcèlement moral pour 18 %,
• des démissions pour 18 %,
• des licenciements pour 16 %.
Ces conflits mettent également en péril la coopération et l’esprit d’équipe :
• 67 % des salariés tournent les talons pour éviter le collègue avec lequel ils sont en désaccord,
• 18 % des conflits mettent aux prises différents services de la même entreprise,
• pour 9 % des salariés, ils ont pour conséquence l’échec d’un projet.
Des émotions dévastatrices sur le long terme
Démotivation, frustration, colère, nervosité, insomnies… sont le lot commun de nombreux salariés. Surtout quand ceux-ci ne sont ni armés ni accompagnés pour sortir « par le haut » de situations conflictuelles. En effet, trois quarts des salariés français interrogés n’ont jamais reçu de formation dans ce domaine. Pour l’heure, les rares efforts se portent plus sur le traitement des conséquences négatives d’un conflit que sur la prévention systématique. Mais « balancer » une formation ne suffit pas, même pour se donner bonne conscience ! Pour preuve, la moitié des personnes interrogées avouent n’avoir rien retiré d’une formation. Et elles ne se privent pas de le faire savoir : quand un tiers des managers pensent bien gérer les désaccords, seuls 22 % des non-managers pensent que leurs patrons ne gèrent pas les conflits aussi bien qu’ils le devraient.