Article paru dans Actuel-RH, quotidien en ligne des Editions Législatives
Définition des personnes éligibles au forfaits jours, durées minimales de repos, suivi et contrôle de la charge de travail… Les négociations de la branche Syntec sur les conventions de forfait jours, ouvertes en septembre, achoppent sur plusieurs points. La CGC vient de présenter son propre texte. Verdict : le 12 février.
Le Syntec parviendra-t-il à conclure un accord relatif au forfaits jours ? Alors que la Cour de cassation avait invalidé le dispositif le 24 avril 2013 (voir notre article), les négociations de la branche Syntec (bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils et sociétés de conseil), ouvertes en septembre, piétinent. L’urgence est pourtant réelle : “les dispositions de l’accord de branche sur le forfait jours n’étant pas valides, chaque salarié peut demander des heures supplémentaires”, alerte Noël Lechat, secrétaire général de la fédération CGT des sociétés d’études.
La branche compte 76% de cadres dont 28% en forfaits jours. Le risque de contentieux est évident. D’ores et déjà, des plaintes ont été déposées aux prud’hommes. “Plusieurs dizaines”, soutient même Michel de Laforce, président de la FIECI*-CFE-CGC. D’où la nécessité de relancer les tours de table.
Un forfait de 217 jours
Le projet d’accord présenté par le patronat, lors de la première séance, à l’automne, tente d’intégrer les exigences de la Cour de cassation sur “la protection de la sécurité et de la santé du salarié”. La version patronale propose un décompte de jours travaillées “objectif, fiable et contradictoire” et une durée minimale de repos : pas plus de 11 heures par jour travaillé, 35 heures de repos hebdomadaires. La base du forfait jour est de 217 jours par an. En outre, le texte prévoit un suivi encadré de la charge de travail et de l’amplitude des journées de travail. Avec, pour le salarié, la possibilité d’émettre un droit d’alerte à l’attention de sa hiérarchie permettant d’exprimer ses difficultés en cas de surcharge de travail. Et d’éviter ainsi les litiges relatifs au temps de travail.
Enfin, cette première mouture encadre les entretiens annuel d’évaluation. Doivent ainsi être abordés au cours de ce tête à tête : “les modalités de l’organisation du travail du salarié, la durée des trajets professionnels, sa charge individuelle de travail, l’amplitude des journées de travail, l’état des jours de repos pris et non pris ainsi que l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle”.
Définition trop large du public éligible
Le texte n’a toutefois pas recueilli l’aval des organisations syndicales. Parmi les points d’achoppement figure une définition très large des personnes éligibles au forfait jours. Sont ainsi visés par le dispositif: “les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées”. Et un contrôle “trop flou” des salariés. Soit un projet “inacceptable” pour la CFE-CGC.
Des garde-fous renforcés pour la CFE-CGC
C’est pourquoi, la confédération de l’encadrement a pris les devants en peaufinant sa propre version du texte. Elle vient d’envoyer ses propositions à l’ensemble des syndicats. En précisant le public éligible au forfait-jours en fonction de son degré d’autonomie, de ses responsabilités et son niveau de salaire (au moins égale à 120% du minimum conventionnel ou à deux plafonds annuels de la sécurité sociale). Surtout, cette nouvelle version renforce les garde-fous à prévoir. Ainsi, les cadres au forfait jours doivent bénéficier d’un “repos minimum de 13 heures consécutives et d’un repos hebdomadaire de 2 jours consécutifs incluant le dimanche”. Pour éviter l’incidence des nouvelles technologies sur la vie privée, elle prévoit également que l’employeur puisse “bloquer l’accès à la messagerie professionnelle entre 20h et 8 h du matin”.
Entretiens semestriels et visites médicales
Par ailleurs, le texte syndical envisage un entretien semestriel individuel, indépendant de l’entretien d’évaluation annuel, pour prévenir la surcharge de travail; un contrôle du suivi du forfait jours par le CHSCT et les instances représentatives du personnel ainsi qu’une visite médicale annuelle distincte pour les salariés concernés.
Plusieurs branches épinglées
Le texte sera débattu lors de la prochaine de négociation le 12 février. En attendant cette échéance, la CFDT devrait se prononcer fin janvier, le patronat début février. En parallèle, les organisations plancheront sur l’étude de la société d’avocats Altalexis qu’ils ont missionnée pour recenser l’ensemble des contentieux relatifs au forfait-jours. Plusieurs branches professionnelles ont, en effet, été épinglées par la cour de cassation, à l’instar du Syntec : la chimie, en raison de dispositions insuffisantes concernant “le droit à la santé et au repos” ; les industries de l’habillement qui renvoyaient à un accord d’entreprise le “soin de mettre en oeuvre la convention de forfait” ou encore le commerce de gros qui ne prévoyait, parmi les garde-fous sur la charge et l’amplitude de la journée de travail, qu’un “seul entretien annuel avec son supérieur hiérarchique”. La CFE-CGC espère une séance conclusive en mars ou avril.
* Fédération nationale du personnel de l’encadrement des société de service informatique, des études, du conseil et de l’ingénierie.