Le salon des CE se tenait début février, à Paris au CNIT de la Défense. Sous la présidence de l’ancien ministre du Travail, Jean Auroux, le club “Toit Citoyen” y a remis les deux Prix du Meilleur Ouvrage sur le Monde du Travail.
Ce jury composé d’élus de CE remet chaque année selon la tradition, deux prix, à deux livres illustrant les réalités du monde du travail d’aujourd’hui. Cette année, notre collègue Vincent Audigier participait à ce jury, et nous a invités à rendre compte de cette initiative, au vu de la qualité des ouvrages primés.
Le premier récompense l’ouvrage d’un expert (sociologue, psychologue, médecin du travail, journaliste ou personnalité politique), analysant les mutations et offrant un regard prospectif sur le monde du travail. L’autre est décerné à un ouvrage écrit par un salarié ou un représentant des salariés. Les critères de sélection concernent alors le réalisme du témoignage, l’apport de connaissances sur le monde du travail, et la pertinence de solutions face aux difficultés que peuvent rencontrer les salariés.
Cette année encore, j’ai découvert avec beaucoup d’intérêt, différentes études qui sont emblématiques de ce qui se passe dans les entreprises, commentait le Président du jury Jean Auroux. Il est intéressant de voir les parallèles entre les livres des experts et les témoignages que nous avons pu lire, notamment autour de la place des femmes dans le monde du travail.
Cette année pour la première fois nous avons remis les prix à deux femmes, confirmait de son côté Patrick Gobert, Président du Toit Citoyen.
Un quart manque !
Coté experts, le jury a en effet récompensé “Un quart en moins” publié par Rachel Silvera aux éditions La Découverte, mars 2014. Ce “quart”, c’est celui manquant globalement aux salaires des femmes, rapportés à ceux des hommes. Malgré l’adage “à travail de valeur égale, salaire égal”, les emplois majoritairement tenus par des femmes sont souvent supposés relever d’un “inné”, dont la technicité (connaissances requises, expérience, responsabilités) sera du coup moins prise en considération. S’inscrivant de plus dans l’image ancrée du “salaire féminin, salaire d’appoint”, le vieux modèle né au XIXe siècle perdure. Et les discriminations salariales subsistent fortement, malgré de nombreux procès remportés par les plaignantes. C’est notamment à ces femmes que Rachel Silvera donne la parole. Et les témoignages peuvent être édifiants. Pourtant des solutions existent. Encore faut-il que l’État, les partenaires sociaux et les salariées se mobilisent. Ce livre, à jour de la jurisprudence la plus récente, veut leur donner de nouveaux moyens d’en finir avec ces inégalités.
Ghislaine Tormos et Francine Raymond ont de leur côté reçu le prix du Meilleur Ouvrage écrit par un salarié, pour “Le salaire de la vie” paru aux éditions Don Quichotte. 12 juillet 2012. M. Varin, président du directoire de PSA, premier constructeur automobile français, annonçait la fermeture du site Peugeot d’Aulnay. Après avoir promis que le site resterait ouvert, que la priorité était de préserver les emplois, l’entreprise a fermé, 3.000 emplois supprimés, 3.000 vies bousculées, bien vite oubliées. Une actualité chasse l’autre, toujours, et très vite.
“Le travail, notre seule richesse, coûterait trop cher. Ils n’ont que ça à la bouche. J’en ai assez bavé, je ne supporte plus de voir nos emplois supprimés par milliers. Je veux que la France conserve ses usines et son industrie, je refuse que mes enfants soient obligés de quitter leur pays pour trouver du travail. Si on ne réagit pas, dans dix ans, on est morts”, dit Gigi, ouvrière à l’usine automobile PSA d’Aulnay-sous-Bois. “Ghislaine Tormos, celle qui n’avait jamais fait grève”, est devenue l’un des symboles de la lutte des ouvriers de PSA. “On me dit que je coûte trop cher, mais pour moi depuis des années, c’est la vie qui est trop chère”. Gigi n’accepte pas que son travail, sa seule richesse, soit devenu le mal-aimé de l’économie, on l’évoque comme une charge pesante, et jamais comme une valeur fondamentale. Une voix de femme ouvrière sait qu’elle ne pèse pas bien lourd. Mais son témoignage a ému le jury, qui souhaite qu’on l’écoute et l’entende.