Par Michel de Laforce
Près de deux salariés sur trois travaillent selon des horaires « atypiques ». Et près de 10 %, dont la majorité des cadres, ont des horaires longs, flexibles, souvent imprévisibles. Un rapport publié récemment par la Dares (1) propose une analyse typologique des six catégories recensées et relie horaires et conditions de travail. Pour le syndicaliste cadre, la vigilance est de mise dans la mesure où il s’agit, d’une part, de respect du Code du travail et des conventions collectives et, d’autre part, de santé publique.
En quoi les cadres se distinguent-ils ou se rapprochent-ils des autres salariés soumis à des horaires atypiques ? Dresser un panorama des divers types d’horaires permet, dans un premier temps, de mieux les resituer dans le monde du travail.
Les horaires de travail des salariés : quand la norme devient l’exception
• 37 % des salariés ont des horaires « normaux ».
La « norme sociale implicite d’organisation des horaires de travail » veut que le salarié arrive à son travail le matin, le quitte en fin d’après-midi, selon des horaires prévus, et se repose le soir et le week-end. Une situation qui ne concerne, dans les faits, qu’un salarié sur trois !
• Les métiers en contact avec le public ont des horaires habituellement ou occasionnellement décalés.
Les horaires habituellement décalés concernent un salarié sur cinq, les horaires occasionnellement décalés un salarié sur dix. Ces deux catégories assez similaires cumulent plusieurs contraintes : travail du samedi et/ou du dimanche, et/ou de nuit ; semaines irrégulières ; journées longues ; pénibilité physique ; manque d’autonomie…
• Les secteurs à forte saisonnalité connaissent des durées de travail variables.
La principale contrainte horaire, pour ce groupe, réside dans une irrégularité dans la durée du travail. Les horaires sont le plus souvent fixés par l’entreprise et contrôlés strictement. Le travail est souvent répétitif, cadencé, avec peu d’autonomie et physiquement pénible.
• Les salariés à temps partiel cumulent des conditions d’emploi et des horaires plus difficiles.
Horaires décalés, plannings imprévisibles, durée variable, travail du samedi et/ou du dimanche… telles sont les contraintes subies par les salariés qui travaillent à temps partiel, soit un tiers des femmes et 5 % des hommes. Pour un tiers d’entre eux, ce temps partiel est subi.
• Des horaires longs, flexibles, mais peu contraints : surtout chez les cadres.
Ils représentent un salarié sur dix.
Ils travaillent 40 heures ou plus par semaine (74 %).
Ces dépassements d’horaires, fréquents, ne sont pas compensés (55,7 %).
Ils travaillent occasionnellement le samedi (44,4 %) et le dimanche (24,1 %).
Ils emportent du travail chez eux (32,7 %).
Ils reçoivent des appels professionnels hors de leur temps de travail (31,7 %).
Ils ne connaissent pas toujours leur planning d’une semaine à l’autre (25,1 %).
Ils sont soumis à des astreintes (22,3 %).
Ils sont ? Ils sont ? Cadres, bien sûr !
« Cette emprise du travail sur le temps hors travail s’accompagne néanmoins d’une liberté dans le choix des horaires », constatent les auteurs du rapport : « la plupart de ces salariés déterminent eux-mêmes leurs horaires, qui ne font l’objet d’aucun contrôle ». Au moins pour 73,9 % d’entre eux.
Rythmes sociaux, rythmes biologiques : allegro, ma non troppo !
Nous ne reviendrons pas en détail ici sur les problématiques liées au temps de travail. Ni sur la grande hypocrisie du débat autour des heures supplémentaires des cadres. Cependant, il convient de rester vigilants et de rappeler quelques fondamentaux.
Concernant les horaires de travail, les nombreuses dérogations sont reconnues par le Code du travail et les conventions collectives. Des compensations spécifiques sont accordées aux salariés travaillant selon des horaires atypiques : jours de récupération, primes, etc. Néanmoins, le syndicaliste cadre sait, lui, que faire simplement respecter la loi demande une énergie quotidienne !
On ne règle pas tout avec de l’argent… Et la situation est infiniment plus complexe. Les horaires atypiques sont à la source d’importantes perturbations en termes de santé et d’équilibre personnel. Il faut donc répéter autour de nous que les horaires « normaux » sont, et de loin, les mieux adaptés aux rythmes biologiques de l’individu. L’organisme a besoin, pour récupérer, de temps de repos réguliers (nuits, fins de semaine, congés). Sur le long terme, dérégler cette « horloge interne » génère du stress et entraîne dans une spirale de mal-être : troubles du sommeil et de l’appétit, baisse de la vigilance, burn out, dépression…
De plus, les activités familiales et sociales pâtissent grandement de ces « horaires atypiques ». Faut-il que le cadre mette son couple et sa famille en péril, qu’il s’interdise toute activité sportive ou associative régulière ? Souvent isolé dans sa bulle, le cadre surmené ne sait pas comment réagir : il se croit lent, désorganisé, se dévalorise et s’éloigne de ses collègues. Le syndicaliste cadre, plus à même d’avoir une vision globale de la situation, devra donc attirer l’attention du management sur d’éventuelles dérives. En effet, un cadre, ce n’est pas seulement du temps de travail, c’est aussi, et avant tout, une capacité intellectuelle, autonome et créative. Que l’entreprise a tout intérêt à préserver.
(1) Horaires atypiques et contraintes dans le travail, Rapport de la Dares (Direction de l’animation et des études des ministères du Travail et de l’Emploi), par Jennifer Bué et Thomas Coutrot, in Premières synthèses informations, mai 2009 – www.travail-solidarite.gouv.fr
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