Par Michel de Laforce
Une enquête récente (1) a permis de mesurer la perception et la satisfaction des femmes cadres du privé, à la fois au regard de leur situation personnelle et des politiques d’égalité. Pour elles, les deux priorités absolues sont l’égalité salariale et l’égalité dans l’accès à des postes de haut niveau. Des objectifs partagés par la FIECI. Qui s’engage pour relayer l’information concernant les actions mises en œuvre pour promouvoir l’égalité entre hommes et femmes. Cette enquête s’inscrit dans un travail plus large, le Rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (2) établi par Brigitte Grésy, inspectrice générale des Affaires sociales (IGAS).
Ce « baromètre de confiance » montre donc que les femmes cadres sont à même de faire entendre leur voix par le biais de leurs nombreux réseaux professionnels. Et qu’elles se sentent impliquées, le taux de retour des questionnaires étant quatre fois plus élevé que les scores habituels. Leurs réponses apportent ainsi une dimension concrète à la mission de Brigitte Grésy. Mais, de par son contenu, ce « baromètre de confiance » s’apparente plutôt à un baromètre de… défiance. Décryptage.
Quel est le profil des femmes cadres du privé, de 30 à 60 ans ?
Rappelons qu’en France, 41,2 % des cadres administratifs et commerciaux des entreprises et 18,2 % des ingénieurs et cadres techniques d’entreprise sont des femmes. Elles sont fortement diplômées (niveau bac + 5 pour 85 %). Elles travaillent à temps plein (84 %), et pour des entreprises françaises (79 %). Dans l’entreprise, seules 23 % occupent des postes de direction, et 31 % n’ont pas d’équipe à manager. Mariées (78 %), elles ont des enfants (75 %) – le plus souvent deux.
Quatre grandes sources d’insatisfaction
… et quatre priorités absolues, sur lesquelles il reste bien des progrès à faire ! Les femmes cadres pointent leur insatisfaction sur les points essentiels que sont :
• L’égalité dans l’accès aux postes de haut niveau (69 %),
• L’égalité salariale (59 %),
• L’égalité dans l’accès aux promotions (57 %),
• L’égalité dans l’accès aux viviers de hauts potentiels (55 %).
Pour Brigitte Grésy, « le plafond de verre demeure une réalité pour 69 % des femmes cadres », surtout dans les grandes entreprises, où leur accès à la mobilité internationale leur est quasiment refusé. Or, celle-ci est souvent une étape obligée sur le chemin du pouvoir…
Confiance + satisfaction = motivation, une équation trop rare…
Les choses se gâtent quand elles envisagent l’avenir et les chances qui leur seront offertes : 55 % des femmes cadres ne sont guère confiantes. Et encore, mieux vaut travailler à temps plein, avec des responsabilités importantes, dans une PME…
Les relations entre confiance et satisfaction permettent de mesurer la motivation des femmes cadres. Il apparaît ainsi que :
• 39 % seulement sont « motivées » : à la fois satisfaites et confiantes,
• 6 %, insatisfaites, restent « optimistes » pour l’avenir,
• 27 %, aujourd’hui satisfaites, se « résignent » à ne pas savoir de quoi demain sera fait,
• enfin, 28 % ne sont ni satisfaites ni confiantes. Tout juste « désespérées ».
La conclusion de Brigitte Grésy ne peut qu’interpeller le syndicaliste cadre : pour elle, « les organisations se privent ou sous-utilisent plus de la moitié d’un vivier de talents remarquables » !
De (tout) petits pas en avant…
« Ces deux dernières années, ajoute-t-elle, 40 % des répondantes notent une amélioration de la situation des femmes dans leur entreprise. » Une opinion émise plus par les cadres dirigeantes que par les cadres intermédiaires, « tant qu’il n’y a pas d’enjeu de pouvoir ».
Ainsi, la flexibilité gagne du terrain : les jeunes mères de famille et les femmes à temps partiel sont relativement satisfaites. Les améliorations apportées à leur environnement de travail leur permettent de mieux concilier vie professionnelle et vie privée. Même si elles reconnaissent que les congés maternité ont un impact négatif sur leur carrière – et de plus en plus négatif au fur et à mesure que leur famille s’agrandit (de 40 % pour le 1er congé, à 67 % pour le 5e).
Si l’information circule à peu près (pour 57 % des femmes), les actions concrètes se font encore attendre. Qui dit information ne dit pas forcément réalisation des projets : pour 72 %, il ne se passe rien ou pas grand-chose ! Et plus de la moitié ne se sentent épaulées par aucun réseau pour progresser dans leur carrière. Résultat : pour Brigitte Grésy, « seules 30 % des femmes ont le sentiment d’évoluer dans un environnement “dynamique” » en la matière. Ce dynamisme et ces réseaux, les femmes cadres le trouveront du côté du syndicalisme cadre, et plus précisément, pour les métiers qui nous concernent, du côté de la FIECI. Qui les invite aussi à briguer tous les mandats qui leur permettent de faire entendre leur voix !
(1) Baromètre de confiance des femmes cadres sur l’égalité professionnelle, par l’institut de sondage LH2, www.lh2.fr – (2) Rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, par Brigitte Grésy, http://www.travail-solidarite.gouv.fr.
Image – Photos libres.
EXTRAITS
Femme et cadre, oui, mais… « Certains des critères souvent retenus par les gestionnaires de ressources humaines pour proposer un poste à responsabilité ou une promotion disqualifient beaucoup de femmes, comme la disponibilité ou la mobilité, quand ce n’est pas l’anticipation d’une maternité, à l’âge où les hommes, eux, progressent. En 2002, seules 15 % des femmes qui travaillent dans une entreprise d’au moins 10 salariés ou plus sont cadres contre 23 % des hommes et encore perçoivent-elles en moyenne un salaire horaire inférieur de 20 % à celui de leurs homologues masculins, écart expliqué pour une part importante par la situation familiale. 15 % des femmes cadres vivent seules sans enfants contre 10 % des hommes cadres. »
Rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, par Brigitte Grésy, op. cit.
Femme et cadre dirigeant, là, ça se complique… « Trois causes essentielles peuvent expliquer la sous-représentation des femmes au sein des fonctions d’encadrement d’effectifs importants :
– causes sociétales d’abord liées à l’illégitimité des femmes dans ces univers de pouvoir caractérisés par l’omniprésence des hommes, la division sexuelle du travail et la hiérarchisation du masculin et du féminin, liées aussi à l’orientation scolaire et universitaire et au partage inégal des tâches familiales et domestiques ;
– causes organisationnelles ensuite car dans ces lieux où se structurent les relations de pouvoir et les processus informels qui déterminent l’accès au pouvoir, “ des règles organisationnelles qui se donnent comme neutres se sont en fait calquées sur des modèles masculins (par exemple un modèle masculin d’investissement professionnel ou d’horaires de travail) qui jouent au détriment des femmes et contribuent à entretenir leur rareté au sommet des organisations ” (Jacqueline Laufer, Travail et Emploi n°102, avril-juin 2005). Il en est de même “ des règles soi-disant neutres et impersonnelles qui définissent les conditions de recrutement et de promotion ou la gestion des carrières telles que l’âge, l’ancienneté et le mérite ”. La détection des hauts potentiels se fait ainsi dans des groupes de managers âgés de 28-35 ans, âge où les femmes ont leurs enfants ;
– causes liées aux stratégies des acteurs eux-mêmes enfin dans leur arbitrage entre vie familiale et professionnelle. »
Rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, par Brigitte Grésy, op. cit.
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