Picardie, Champagne-Ardenne, Auvergne-Rhône-Alpes… plusieurs milliers de retraités sont venus de toute la France manifester à Paris, jeudi 2 décembre après-midi, à l’appel de neuf organisations syndicales (CGT, FO, CFTC, CFE-CGC, FSU, Solidaires) et associatives (FGR-FP, LSR, Ensemble et solidaires). L’épineux dossier de la réforme des retraites a pourtant été repoussé à 2022 par Emmanuel Macron, et les pensions vont être revalorisées de 1,1 % en 2022 (contre 0,4 % en 2021). Mais la prévision d’inflation est, elle, de 2,6 % cette année. Ainsi, les retraités auraient perdu entre 10 et 12 % de leur pouvoir d’achat depuis 2014, selon les syndicats.
« Le calcul est vite fait : entre 2015, ma première année de retraite, et 2020, nous avons perdu 500 euros par mois avec ma femme. Non seulement le coût de la vie a augmenté, mais en plus, avec l’augmentation des prélèvements comme la CSG [la contribution sociale généralisée a augmenté de 1,7 % en 2018], on a perdu de l’argent. Nous, les retraités, sommes les éternels oubliés du quinquennat d’Emmanuel Macron », peste Jean-Pierre, ancien cheminot à la SNCF. Si son cas le met en rogne, il sait pourtant avoir « la chance » d’être marié, sans enfants à charge, et reste lucide sur la situation de certains de ses camarades.
Comme celle de Jeanne, célibataire, ancienne secrétaire de mairie normande, qui touche un peu moins de 1 000 euros par mois. Une somme qu’elle partage avec sa fille : « Elle est intermittente du spectacle, dans une situation extrêmement précaire. Je reste parent, même si je suis retraitée, alors j’essaye de l’aider financièrement », explique-t-elle. Avant de poursuivre : « Nous sommes tout un groupe, venu de Normandie en bus spécialement pour la manifestation. Aujourd’hui, certains d’entre nous doivent manger aux Restos du cœur à la fin du mois. »
« Il est devenu extrêmement difficile de se soigner »
Si, parmi les manifestants, le diagnostic est unanime, les revendications, elles, semblent toutefois plus dispersées, malgré un cadrage de l’intersyndicale. Certains voudraient que le calcul des retraites suive exactement l’inflation, afin de maintenir le pouvoir d’achat. D’autres demandent plutôt à ce que les pensions soient de nouveau indexées sur les salaires (comme avant 1987), afin que celles-ci ne puissent plus être gelées, en cas d’année à faible inflation par exemple. Officiellement, les syndicats revendiquent une revalorisation immédiate des pensions de retraite à hauteur de 300 euros par mois, et veulent qu’aucune retraite ne puisse plus être évaluée en dessous du smic.
« Outre la diminution constante des pensions, la casse du service public contribue aussi à la diminution de nos moyens », s’indigne une manifestante
L’autre grand axe de revendication des manifestants est la protection des services publics – transports et hôpitaux en tête de gondole –, secteur dont la majorité d’entre eux est issue. Une infirmière à la retraite originaire de Vendée s’indigne : « Nous n’avons plus qu’un seul médecin urgentiste pour tout le département ! Et avec la fusion des hôpitaux, nous sommes forcés d’aller faire nos consultations à Nantes, à La Rochelle… Il est devenu extrêmement difficile de se soigner. Outre la diminution constante des pensions, la casse du service public contribue aussi à la diminution de nos moyens. »
Michel, qui fut cheminot à la SNCF, exprime son inquiétude pour l’avenir du rail : « Autrefois, la pénibilité du métier était compensée par le statut, qui garantissait l’emploi, davantage de congés payés, une retraite à taux plein plus tôt… Pour les petits jeunes qui se lancent, il n’y a plus rien de tout ça. » En ce jeudi après-midi, deux jeunes filles de 18 ans venues témoigner de la solidarité intergénérationnelle attisent la curiosité des manifestants. « C’est important pour nous de montrer que nous sommes soudées avec nos parents, nos grands-parents, et toutes les générations qui nous précèdent. Et puis, nous sommes aussi les retraitées de demain. »
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