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Economie et Social

Bras de fer en vue autour de la réforme de l'assurance chômage, au menu de l'Assemblée nationale

Contesté, le projet de loi du gouvernement vise notamment à moduler les règles de l'assurance chômage en fonction de la situation économique.

Dans un climat déjà en ébullition, l'Assemblée nationale reprend ses travaux ce lundi par un projet de loi contesté qui amorce une nouvelle réforme de l'assurance chômage.

Les débats sur le sur ce projet de loi portant "mesures d'urgence" en vue du "plein emploi" devrait débuter à partir de 21h30. Au menu au Palais Bourbon jusqu'à mercredi, avec quelque 300 amendements à la clé, il prévoit dans un premier temps de prolonger les règles actuelles de l'assurance chômage. Issues d'une réforme chaudement contestée du premier quinquennat Macron, elles arrivent à échéance le 31 octobre.

Le texte permet ainsi au gouvernement de décider jusqu'à la fin 2023 des règles d'indemnisation de l'assurance chômage par décret. "Ce projet de loi met entre parenthèses la délégation aux partenaires sociaux de la négociation des règles de l'assurance chômage", résume Patricia Ferrand, présidente (CFDT) de l'Unédic.

Modulation

Le projet de loi enclenche aussi la possibilité, par décret, de moduler l'assurance chômage afin qu'elle soit "plus stricte quand trop d'emplois sont non pourvus, plus généreuse quand le chômage est élevé", selon les mots d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. Après une phase de concertation d'ici quelques semaines avec les partenaires sociaux, le gouvernement décidera par décret de la forme que prendra cette modulation, pour une entrée en vigueur début 2023.

"Dans les prochaines semaines", le ministre du Travail Olivier Dussopt doit envoyer aux partenaires sociaux un "support de concertation", selon ses termes, dans lequel il évoquera les pistes envisagées pour moduler les règles en fonction de la situation du marché du travail. Le ministre a répété que le gouvernement ne proposerait pas de toucher au niveau l'indemnisation mais avancerait des pistes sur la durée d'affiliation pour ouvrir des droits (6 mois de travail minimum sur les 24 derniers actuellement) et la durée d'indemnisation maximale (24 à 36 mois selon l'âge).

Vers une "territorialisation" des règles?

Olivier Dussopt avait prévu de démarrer cette concertation dès la mi-septembre mais explique l'avoir retardée pour étudier si la piste d'"une territorialisation" des règles (qui s'appliqueraient en fonction de la situation économique locale) était juridiquement et concrètement faisable. "J'ai demandé à nos services d'instruire plus avant cette question pour éviter des effets de bord mais aussi pour éviter de mettre en place un système complètement incompréhensible", a-t-il déclaré.

Le document adressé aux partenaires sociaux évoquera également les critères pour faire varier ces règles. Davantage que le taux de chômage au sens du BIT dont il juge l'évolution trop volatile d'un trimestre sur l'autre, Olivier Dussopt a évoqué notamment le rapport entre les offres d'emplois sur le site de Pôle emploi et le nombre de demandeurs d'emplois, passé "de 50 à 170 offres pour 1000 demandeurs entre 2017 et 2022".

Comme les syndicats sont opposés au principe de modulation alors que les organisations patronales y sont favorables, cette concertation devrait consister davantage en des échanges techniques bilatéraux que des séances plénières où chacun viendrait exprimer son désaccord politique.

Négociation d'une nouvelle gouvernance début 2023

Le gouvernement souhaite ensuite que les partenaires sociaux mènent au premier semestre 2023 une négociation sur la gouvernance de l'assurance chômage. Les organisations syndicales et patronales sont favorables à cette négociation pour clarifier les responsabilités de l'Etat et des partenaires sociaux.

L'assurance chômage est gérée par les partenaires sociaux. Mais depuis la loi de 2018, leurs marges de négociations sont restreintes par une "lettre de cadrage" du gouvernement qui fixe des objectifs (notamment d'économies) à atteindre. "On est au milieu du gué, le statu quo n'est pas possible", juge Patricia Ferrand. Syndicats et patronat attribuent ainsi l'échec de la dernière négociation en 2019 à une lettre de cadrage trop stricte.

Il s'agit aussi de savoir qui finance quoi. L'Unédic finance, à côté des allocations chômage, une partie du budget de Pôle emploi, de l'activité partielle pendant la crise Covid, etc. Une fois cette nouvelle gouvernance adoptée, les partenaires sociaux négocieraient un nouveau régime d'indemnisation qui prendrait le relais début 2024. Ce qui coïnciderait avec la création de France Travail pour mieux coordonner les acteurs intervenant sur l'emploi.

La gauche déplore une "stigmatisation" des chômeurs

Invoquant l'urgence face aux difficultés de recrutement, l'exécutif fait de la réforme de l'assurance chômage l'une des conditions pour atteindre l'objectif de plein emploi en 2027, soit un taux de chômage d'environ 5% contre 7,4% actuellement. Le régime actuel d'assurance chômage "n'est pas suffisamment incitatif au retour à l'emploi", a martelé Olivier Dussopt devant les députés en commission.

A l'unisson des syndicats, l'alliance de gauche Nupes répond que les difficultés de recrutement sont d'abord liées à la formation et à l'attractivité des métiers (salaires, conditions de travail...), et déplorent une "stigmatisation" des chômeurs. "Nous bataillerons de pied ferme contre cette réforme inacceptable qui détourne la philosophie de l'assurance chômage et fait fi du 'dialogue social'", ont annoncé ses chefs de file dans Libération.

Chez LR, l'accueil du projet de loi est meilleur, même si Thibault Bazin pense qu'il ne changera pas "la donne à court terme pour inciter à la reprise du travail". Comme à l'été sur le paquet pouvoir d'achat, les voix de ces députés, ou a minima leur abstention, sont nécessaires afin que le texte soit adopté. Le ministre a fait des ouvertures sur des propositions de la droite pour durcir l'accès à l'indemnisation au motif de l'"abandon de poste", ou simplifier la validation des acquis de l'expérience (VAE), notamment pour les proches aidants, autre volet du projet de loi. Un amendement gouvernemental prévoit de proposer à l'avenir un véritable "service public de la VAE". Les élus RN ne feront pas l'appoint en voix: ils jugent les mesures lacunaires, en l'absence de prise en compte notamment de la jeunesse.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis avec AFP Journaliste BFM Eco