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Baisse d’impôts des classes moyennes : où en est la promesse du gouvernement ?

Lors de son interview à Nouméa dans les JT de 13h de TF1 et France 2, le président Emmanuel Macron a confirmé vouloir inscrire la baisse d’impôts des classes moyennes, promise en mai dernier, dans la prochaine loi de programmation des finances publiques. Si la réitération de son engagement visait à rassurer, l’annonce laisse les sénateurs dubitatifs. Ils s’interrogent sur le financement d’une telle mesure, alors que le gouvernement fait dans le même temps le serment d’un retour à la maîtrise des dépenses publiques.
Louis Mollier-Sabet

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C’était un pas vers la réconciliation, l’un des gestes des « 100 jours d’apaisement », après les mois de contestation sociale liée à l’examen de la réforme des retraites. Les 14 et 15 mai derniers, dans une interview accordée au journal L’Opinion, puis sur le plateau du 20 heures de TF1, le chef de l’Etat avait annoncé prévoir une baisse d’impôts de 2 milliards d’euros concentrée sur les classes moyennes d’ici à la fin de son mandat. S’il était resté plus qu’évasif quant aux modalités de cette baisse et à son calendrier, indiquant simplement qu’elle aurait lieu « quand la trajectoire budgétaire le [permettrait] dans ce quinquennat », l’annonce avait de quoi réjouir ces ménages « trop riches pour être aidés et pas assez riches pour bien vivre ». Hier, en déplacement à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), Emmanuel Macron a assuré au micro de TF1 et de France 2 qu’il tiendrait sa promesse en faveur des classes moyennes.

Une confirmation quelque peu expéditive mais particulièrement bienvenue alors que le pouvoir d’achat des classes moyennes, toujours contraint par l’inflation, s’apprête à pâtir de la hausse de 10 % des tarifs réglementés de l’électricité, dévoilée par le gouvernement la semaine dernière. Pourtant, une précision apportée hier sur la façon dont cette baisse d’impôt serait finalement concrétisée soulève quelques interrogations. En effet, tout en renvoyant aux prochaines semaines le détail de la mesure et le calendrier de sa mise en œuvre, le Président a indiqué que la baisse d’impôts de 2 milliards d’euros en faveur des classes moyennes « sera inscrite dans la loi pluriannuelle de finances publiques ». Or, on aurait pu s’attendre à ce qu’une mesure touchant à la fiscalité des ménages, et par la-même, aux recettes de l’Etat, soit intégrée au prochain projet de loi de finances (PLF), examiné à l’automne.

Les lois de programmation des finances publiques (LPFP) : un véhicule législatif moins contraignant

Car le choix d’une loi de programmation des finances publiques (LPFP), plutôt qu’un PLF, n’est pas anodin. Créées par la révision constitutionnelle de 2008, les LPFP sont des lois ordinaires établissant une trajectoire d’évolution de l’ensemble des finances publiques (et non seulement celles de l’Etat) sur une période de trois ans minimum. « Elles ont vocation à servir d’étalon », comme le résume Christine Lavarde, vice-présidente de la commission des finances du Sénat. Cependant, contrairement aux lois de finances, leurs dispositions n’ont pratiquement aucune valeur contraignante.

L’adoption d’une LPFP par le Parlement engage, sur le papier, le gouvernement à respecter les orientations pluriannuelles des finances publiques, ce qui implique de présenter, chaque année, des budgets compatibles avec ces dernières. Le Haut Conseil des finances publiques, un organisme indépendant du Gouvernement et du Parlement, est ensuite chargé de vérifier la cohérence des projets de loi de finances annuels avec la dernière loi de programmation des finances publiques. Mais son pouvoir se borne à émettre des avis, qui, s’ils s’avèrent défavorables à la copie du gouvernement, peuvent être suivis par ce dernier… comme totalement ignorés.

L’inscription d’une baisse d’impôts tant attendue par les ménages dans un véhicule si peu contraignant peut donc laisser songeur. D’autant que « cette mesure aurait pu figurer dans un PLF », comme le concède volontiers Christine Lavarde, ce qui aurait eu l’avantage de rendre son destin un peu moins théorique. En effet, si les lois de finances sont aussi des lois ordinaires, elles sont encadrées par des règles spécifiques définies par une loi organique.

L’adoption d’un projet de loi de finances, puisqu’elle est décisive pour la conduite de l’action de l’Etat, est beaucoup plus certaine. D’une part, l’article 47 de la Constitution accorde un délai de 70 jours au Parlement pour adopter le texte, et autorise le gouvernement à le mettre en œuvre par voie d’ordonnance, dans l’hypothèse où le Parlement n’aurait pas été en mesure d’aller au bout de son examen. D’autre part, le gouvernement, pour peu qu’il dispose d’une majorité à l’Assemblée nationale, peut recourir à l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter « en force » ses projets de loi de finances. Le vote d’une LPFP n’est, lui, en rien garanti. Le dernier projet de loi de programmation des finances publiques portant sur la période 2023-2027, présenté à l’automne dernier, n’avait d’ailleurs pas été adopté par le Parlement.

Une promesse compromise par l’état des finances publiques ?

Au-delà du choix d’inscrire la baisse d’impôts en faveur des classes moyennes dans une LPFP, Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, critique la faisabilité même d’une telle mesure pointant la dégradation des finances publiques de la France. Parlant d’une « promesse qui [sera] difficile à tenir », il met en garde le gouvernement : « A vouloir faire ce genre d’annonces, le gouvernement se pose des pièges à lui-même. Il vaut mieux faire des annonces qui sont à portée de bourse. »

La vice-présidente de la commission des finances, la sénatrice LR des Hauts-de-Seine Christine Lavarde se montre tout aussi méfiante et relève le flou persistant autour de ce futur cadeau fiscal. « Il faudrait savoir une baisse d’impôts par rapport à quoi » insiste-t-elle.

Tous deux s’interrogent sur le financement d’une telle mesure, alors que le gouvernement prévoit de nouveaux investissements, tout en faisant le serment d’un retour à la maîtrise des dépenses publiques. « En même temps qu’on vous promet une baisse potentielle d’impôts, le gouvernement annonce des dépenses supplémentaires, aujourd’hui sur la transition énergétique, demain ça sera sur le logement » remarque Jean-François Husson, pour qui « les comptes publics de la France doivent se redresser et être mieux tenus qu’ils ne l’ont été. » Christine Lavarde semble partager le scepticisme de son collègue sur les perspectives budgétaires à venir : « Les seules baisses de dépenses publiques prévues sont sur le conjoncturel, fait savoir la vice-présidente de la commission des finances, on n’a pas vu grand-chose sur le structurel et, en même temps, de nouvelles mesures coûteuses ont été annoncées. »

Selon les sénateurs interrogés, la mise en œuvre effective de cette baisse d’impôts semble donc tout aussi incertaine que l’est le redressement de nos finances publiques. Mais la promesse non tenue en direction des classes moyennes n’est pas sans conséquences pour le sénateur LR de la Meurthe-et-Moselle : « On est dans les promesses intenables, déplore Jean-François Husson. Elles suscitent toujours plus d’espoirs qu’elles ne peuvent réellement toucher de personnes. Et cela participe à nourrir le manque de confiance des citoyens à l’endroit des décideurs publics. »

 

Article rédigé par Lucie Garnier

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