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Economie et Social

"Nouvelle méthode", hausse des salaires: les syndicats en rangs serrés pour la rentrée

Les organisations représentatives s'attendent à un programme chargé, entre l'inflation et la réforme de l'assurance-chômage. Et face aux nouveaux outils de discussion proposés par l'exécutif, veulent faire front commun.

Comme tous les ans, la rentrée sociale s’annonce “agitée” du côté des syndicats. Mais le contexte économique plus tendu depuis quelques mois, entre récession possible et inflation, a resserré les priorités: les centrales affichent les mêmes objectifs, à commencer par la hausse des salaires.

"Les augmentations des salaires doivent être la réplique exacte de l'inflation, y compris concernant le point d'indice des fonctionnaires", résume François Hommeril, président confédéral de la CFE-CGC.

Les syndicats ne veulent pas négocier en dessous du niveau de l'inflation et poussent pour certains pour une législation qui calerait l'évolution des revenus sur celle des prix: Force Ouvrière et la CGT reprennent l'idée de l'échelle mobile des salaires, dispositif d'indexation mis en place après-guerre par le gouvernement de coalition d'Antoine Pinay, et supprimé dans les années 80 par Jacques Delors (la Belgique emploie encore un système similaire). La clause de revoyure, pour les négociations salariales, est aussi évoquée.

La CGT revendique aussi une hausse du SMIC et des minimums de branche, comme le martelait son secrétaire général Philippe Martinez sur BFMTV le mercredi 24 août:

"Les planchers des filières sont trop souvent sous le SMIC. Et il faut des négociations quand on est au-dessus du SMIC."

Nathalie Verdeil, numéro 2 du syndicat, espère ainsi une loi pour "automatiser le relèvement des minimums de branche". L'idée rassemble depuis un moment et constitue le ciment idéologique des syndicats en cette rentrée: en juillet déjà, 8 organisations syndicales et 4 syndicats étudiants avaient signé une déclaration commune sur le sujet. Un tel consensus n'avait plus été observé depuis 10 ans.

Assurance-chômage: nouvelle méthode, nouveau conflit

Le bloc est du même acabit sur la future réforme de l'assurance-chômage, dont les contours se dessinent: un refus généralisé est adressé au principe même d'un système "à la canadienne", qui indemniserait plus les chômeurs quand les conditions macroéconomiques se dégradent, pour alléger les versements quand l'emploi et la croissance sont là.

"La précédente réforme ont fait sortir des privés d'emploi du système d'indemnisation, relève Nathalie Verdeil. 50% des chômeurs n'avaient pas d'indemnités, et la situation est devenue encore pire."

La méthode, aussi, rebute. "Depuis 1958, toutes les réformes sur le sujet ont été discutées par les partenaires sociaux, tempète Frédéric Souillot, secrétaire général de Force ouvrière. Et on dit désormais qu'il faut passer par la loi: ce n'est pas le principe du paritarisme." La suppression de la cotisation chômage salariée, remplacée par une redirection d'une part de la CSG, a crispé, tout comme l'encadrement des négociations par l'Etat. L'absence d'étude d'impact pour le premier volet, avant arrivée du deuxième, s'est ajoutée à la contestation.

Les syndicats regrettent aussi l'absence de l'habituelle lettre de cadrage, pas encore envoyée par l'exécutif. Une première version du projet doit leur être présentée en fin de semaine : il doit prolonger d'un an les règles d'indemnisation fixées par le premier volet. Les partenaires sociaux auront quatre mois pour se mettre d'accord, avant une validation - ou non - par le ministère du Travail.

Les retraites en horizon

Sur l'autre dossier majeur du quinquennat, les retraites, un autre consensus s'est établi: l'âge de départ est sanctuarisé.

"Travaillons d'abord sur le plein-emploi: il faut oeuvrer sur les décrochages, aménager les fins de carrière. 60% des retraites liquidées le sont avant l'arrivée à l'âge de départ", rappelle Frédéric Souillot.

Le syndicat des cadres n'est pas non plus ouvert sur la question, malgré son soutien à plusieurs réformes antérieures, notamment la réforme Touraine. En dénoncant une forme d'hypocrisie.

"Elisabeth Borne nous a dit avoir des difficultés pour verser les pensions dans la fonction publique, et d'avoir besoin de marges de manoeuvre. Or, on sait que sur les retraites, il est facile de récupérer vite quelques milliards d'euros", détaille François Hommeril.

Là encore, le front ne s'est pas constitué ces derniers jours : l'omniprésence de la question pendant la campagne présidentielle, et notamment du projet de recul à 65 ans lancé par le candidat Emmanuel Macron, a rapproché les positions syndicales.

Incertaines mobilisations

Pour autant, la rentrée ne s'annonce pas encore bouillante, car les centrales n'ont pas encore réglé la mire. La réunion intersyndicale annuelle du 5 septembre, à l'initiative de la CFDT, marquera une première approche commune. Avant cela, la CGT a lancé une première date de mobilisation interprofessionnelle, pour le 29 septembre. Sud l'a rejoint.

"La date n'est pas sortie toute seule, justifie Nathalie Verdeil. Elle est issue de l'intersyndicale. Mais nous devions prendre nos responsabilités. Maintenant la balle est dans le camp des autres organisations, et le dialogue continue".

Pas sûr, pour autant, que la proposition trouve preneur : la CFE-CGC ne viendra pas, faute d'un mot d'ordre plus clair que la revendication liée au pouvoir d'achat. L'engouement, ailleurs, n'est pas très marqué.

Majorité relative et CNR : l'attente du paritarisme

Entre cohérence idéologique et dissensions pratiques, reste donc le contexte singulier offert par cette rentrée : une alliance de la gauche et surtout une coalition présidentielle mise en minorité au Parlement. Sur cette question, la CGT nourrit peu d'attentes, observant que Renaissance a déjà reconstitué une majorité de travail sur sa droite, à l'image des textes adoptés cet été - loi sur le pouvoir d'achat et loi de finances rectificative.

L'autre opportunité se nomme Conseil National de la Refondation, dont tous dénoncent le titre et la mise en place, jugée être plutôt une opération de communication qu'un objet politique. A mesure que les partis politiques battent la retraite, les syndicats mesurent l'opportunité de rétablir un rapport de force sur ce terrain.

Ainsi, si François Hommeril dénonce un "pouvoir aveugle" et évoque de "gros doutes sur l'intention" portée par le dispositif - tout en affirmant vouloir y participer - Frédéric Souillot se veut ambitieux :

"Le CNR ne changera rien sur le fonds, le gouvernement découvre seulement qu'il faut être plusieurs autour d'une table pour discuter. Mais on peut espérer que cela relance la conversation. Il n'y a pas d'autre possibilité."

Les organisations syndicales appellent toutes à un retour plus prononcé du paritarisme, en lui redonnant une place aux côtés du législatif. En espérant que les salariés, poussent aussi. "J'espère que les salariés vont entendre que ce n'est pas une rentrée comme les autres, le renversement ne se fera pas qu'au Parlement", tranche ainsi Nathalie Verdeil.

Valentin Grille