Si la bataille parlementaire est loin d’être terminée, c’est une étape de franchie. Les députés ont adopté en première lecture, tard dans la nuit du jeudi 21 au vendredi 22 juillet, le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Le Sénat doit en commencer l’examen, en commission des finances, dès lundi.
L’Assemblée nationale doit maintenant enchaîner avec le projet de loi de finances rectificative pour 2022 (PLFR), qui en assure le financement et complète l’arsenal souhaité par l’exécutif pour lutter contre l’inflation. Les députés ont prévu de siéger une partie du week-end, au moins jusqu’à samedi en fin de soirée, car les débats sont houleux depuis l’ouverture de la session, lundi. Tour d’horizon des principales mesures d’ores et déjà adoptées dans le premier volet du « pack pouvoir d’achat ».
Elargissement de la « prime Macron » et facilitation de l’intéressement
Le texte prévoit le triplement du plafond de la « prime Macron », instaurée en 2018, lors de la crise des « gilets jaunes ». Les employeurs pourront ainsi verser jusqu’au 31 décembre 2023 une prime exceptionnelle d’un montant maximal de 3 000 euros (ou 6 000 euros, en cas d’accord d’intéressement), exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales pour les salariés dont le revenu équivaut à moins de trois fois la valeur du smic.
Une mesure critiquée par une partie de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), qui, durant l’examen, a multiplié les appels à directement augmenter les salaires, à travers une augmentation du smic. D’après l’étude d’impact faite par le gouvernement, plus de 15 millions de personnes ont bénéficié de cette prime entre 2019 et 2022, dont le montant moyen s’élève à 542 euros.
Augmentation des prestations sociales et des pensions
L’augmentation des pensions de retraite et d’invalidité des régimes de base de 4 % a, par ailleurs, été votée par les députés, après une première revalorisation automatique de 1,1 % en janvier. Les allocations familiales et les minima sociaux, comme le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation aux adultes handicapés (AAH), l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et les bourses étudiantes délivrées sur critères sociaux sont revalorisées au même niveau – certaines de ces prestations sociales avaient déjà augmenté de 1,8 % en avril. La mesure prendra effet dès le 1er juillet 2022, de façon rétroactive, sans attendre la date de la revalorisation automatique annuelle.
Déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés
A l’occasion d’un rare moment de concorde dans l’Hémicycle, les députés se sont prononcés en faveur de la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés. Le versement de l’aide ne sera plus calculé en fonction du nombre de parts fiscales du foyer, ce qui fait dépendre, jusqu’ici, 270 000 personnes en couple – sur les 1,2 million qui touchent l’AAH – des revenus de leur conjoint. Le texte prévoit une mise en application en octobre 2023.
La mesure avait été portée à six reprises par les oppositions dans des propositions de loi durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, mais elle avait été systématiquement rejetée par les députés de la majorité, qui la jugeaient inéquitable car bénéficiant sans distinction aux personnes modestes comme aux plus fortunées.
La hausse des loyers plafonnée et les APL revalorisées
Les députés ont adopté un « bouclier loyer » avec un plafonnement de la variation de l’indice de référence des loyers à 3,5 % de juillet 2022 à juin 2023, afin de limiter les conséquences de la forte inflation sur les hausses de loyer et de rendre prévisibles les dépenses que les ménages consacrent à leur logement. En outre, les aides personnalisées au logement (APL) versées à compter du 1er juillet 2022 seront révisées par anticipation, plutôt que le 1er octobre, comme le prévoit le droit en vigueur. La hausse, de 3,5 %, représente pour le budget de l’Etat une dépense supplémentaire de 168 millions d’euros.
Par un amendement de Charles de Courson (groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) soutenu par la majorité, l’Assemblée nationale a voté un « bouclier loyer » renforcé pour les outre-mer, afin d’y limiter les hausses de loyers à 2,5 % au maximum. En outre, les députés de l’opposition sont parvenus, en s’alliant, à faire passer un autre amendement de Charles de Courson, offrant au représentant de l’Etat la possibilité de limiter la possible hausse des loyers en zone de revitalisation rurale à 1,5 %.
Protection du consommateur et facilitation des procédures de résiliation de contrats en ligne
Les députés ont adopté à l’unanimité la facilitation des procédures de résiliation en ligne de contrats souscrits par les consommateurs. Contre l’avis du gouvernement et de la commission, un amendement, porté par La France insoumise, qui élargit la possibilité de résilier par voie électronique un contrat souscrit hors ligne, ainsi qu’un amendement, porté par le député (Aisne) des Républicains Julien Dive, qui permet d’exonérer les personnes reconnues en situation de surendettement du règlement des indemnités en cas de résiliation d’un abonnement de téléphonie ou Internet ont obtenu une majorité de voix.
Les démarches de résiliation en ligne aux contrats d’assurance ont aussi été simplifiées. Les sanctions pénales encourues en cas de pratique commerciale trompeuse ou abusive dès lors qu’elle est suivie de la conclusion d’un contrat ont aussi été renforcées, malgré le scepticisme affiché par la gauche et une partie de la droite quant à l’introduction de cette disposition judiciaire dans le texte sur le pouvoir d’achat.
« Souveraineté énergétique » de la France
Le projet de loi sur le pouvoir d’achat comprend plusieurs mesures pour tenter de faire face à la crainte de fermeture du robinet de gaz russe, via un recours accru aux énergies fossiles. Un cadre juridique pour redémarrer l’hiver prochain la centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle), pourtant fermée en mars. Il permet de relever les plafonds d’émissions de gaz à effet de serre, en cas de « menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité » et à la condition de compenser les émissions. Des dérogations et simplifications administratives ont, par ailleurs, été adoptées pour accélérer la mise en service, en septembre 2023, d’un terminal méthanier flottant dans le port du Havre, afin de diversifier les sources d’approvisionnement en gaz.
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