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Retraites : les parlementaires regrettent les fuites du rapport du COR dans la presse

Les fuites du rapport 2023 du Conseil d’Orientation des Retraites mettent en évidence la persistance d’un léger déficit à horizon 2030, malgré la réforme des retraites, notamment à cause d’une hausse du volume des pensions distribuées. Les sénatrices et sénateurs membres du COR regrettent ces fuites devenues habituelles, et attirent sur les projections qu’il reste à établir sur les différents régimes de retraite.
Louis Mollier-Sabet

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Le rapport était attendu. Peut-être un peu trop. En tout cas, certains n’ont pas pu patienter jusqu’à ce jeudi 22 juin, puisque le contenu du rapport du Conseil d’Orientation des Retraites (COR), qui n’a pas encore été adopté, a fuité dans la presse ce lundi soir. Le rapport avait pourtant été envoyé aux membres du COR depuis à peine 24h. Certains ont même eu la surprise d’être sollicité par la presse avant même de trouver le rapport dans leur boîte mail, alors que le rapport est habituellement envoyé la veille de la plénière, précisément pour éviter ce genre de cas de figure. Tous les ans, les parlementaires évoquent d’ailleurs la difficulté de prendre connaissance d’un rapport aussi dense quelques heures avant de le voter.

« Certains ne respectent pas la clause de discrétion demandée à chaque membre du COR »

« Il était clairement sous embargo, mais bon, c’est un peu comme ça à chaque fois », lâche ainsi Sylvie Vermeillet, sénatrice centriste membre du COR, un peu désabusée, puisque le rapport devra être adopté en séance plénière avant sa présentation ce jeudi, mais pas surprise. Les sénatrices et sénateurs membres du COR, René-Paul Savary, sénateur LR et rapporteur du projet de loi retraites au Sénat, Monique Lubin, sénatrice socialiste, Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur centriste et Sylvie Vermeillet, sénatrice centriste, rappellent tous la « clause de confidentialité » qui allait avec leur fonction et la réception de ce rapport. « Je regrette que ce rapport soit déjà publié dans la presse et que certains ne respectent pas la clause de discrétion demandée à chaque membre du COR. »

Ce type de fuites est finalement le lot du travail d’un organisme assez original, regroupant une quarantaine de personnes et composé d’experts du sujet, de directeurs d’administrations, de représentants syndicaux et de parlementaires. Le COR est rattaché aux services de la Première ministre, mais sa composition pluraliste et la densité de ses travaux menés par des hauts fonctionnaires rend parfois ardue la diffusion de ses conclusions dans l’espace public. En même temps, le sujet des retraites étant régulièrement propulsé tout en haut de l’agenda politique national, les rapports de l’organisme font figure de référence pour le débat public, tout en suscitant des divergences d’interprétation.

En pleine polémique après les propos du président du COR, Pierre-Louis Bras, sur l’absence de dérive financière du système des retraites, les sénatrices et sénateurs membres du COR confiaient en janvier dernier la difficulté à trouver des équilibres, tout comme la grande richesse de ces travaux pluralistes.

Report de l’âge légal : « Les gens partent plus tard à la retraite, mais avec des retraites plus élevées »

Le cru 2023 n’aura donc pas échappé à la règle, puisqu’avant même d’être finalisé, le rapport a en partie fuité dans la presse, occasionnant des interprétations discutables, d’après les sénateurs membres du COR. « Contrairement à ce que je peux lire depuis hier, les projections du rapport en termes de solde du régime, montrent que la réforme était nécessaire », accepte tout de même de commenter Sylvie Vermeillet, puisque c’est la donnée la plus commentée depuis les fuites. Malgré la réforme des retraites, le régime devrait encore être déficitaire de 0,2 ou 0,3 point de PIB en 2030, soit 5 à 6 milliards d’euros selon les hypothèses de croissance retenues et le niveau du PIB français en 2030.

Des fuites d’autant plus regrettables pour les parlementaires membres du COR, qu’elles seraient faites pour cadrer le débat autour du rapport avant que celui-ci soit présenté en bonne et due forme par l’organisme. Et le débat qui s’annonce semble être lié – sans grande surprise – à l’impact de la réforme sur l’équilibre financier du régime. « Il y aura un sujet [de financement], mais il sera moins important », a ainsi commenté Bruno Le Maire ce matin sur France 2, « avec beaucoup de prudence », puisque « les prévisions changent tous les six mois », faisant encore référence à la sortie de Pierre-Louis Bras devant les parlementaires à l’hiver dernier. D’autant plus que le ministre de l’Economie commente ainsi des projections qui n’ont pas encore été validées et alimente un climat de défiance qui s’est construit entre l’exécutif et l’organisme rattaché à Matignon pendant les débats autour de la réforme des retraites.

https://twitter.com/telematin/status/1671042194034278401

Pour Sylvie Vermeillet, cette « contradiction » entre une réforme censée ramener les comptes à l’équilibre et un régime toujours déficitaire n’en est pas une. « En faisant travailler les gens deux ans de plus, ils partent certes plus tard à la retraite, mais quand ils partent, c’est avec des retraites plus élevées », détaille la sénatrice centriste pour expliquer que les dépenses restent « lourdes. » Côté recettes, l’extinction des régimes spéciaux – et donc la fin de la compensation de l’Etat – « apporte de moins en moins de contribution » au régime, tandis que la diminution du nombre d’agents publics dans les collectivités territoriales, où les employés cotisent à 41% par rapport à un taux moyen de 21%, va mettre un coup à la dynamique des recettes. Une logique « qui devra être vérifiée dans les années qui viennent », nuance Sylvie Vermeillet.

Agirc-Arrco : « Le grand gagnant de la réforme des retraites »

L’autre point d’attention pour les parlementaires membres du COR – sans nécessairement commenter le rapport – seront les projections pour les différents régimes, et notamment de l’Agirc-Arrco. « C’est le grand gagnant de la réforme des retraites », explique la sénatrice centriste. « C’est un régime qui a déjà fait sa réforme il y a plusieurs années en gelant le point et en durcissant les conditions pour avoir les pensions maximales. Donc le report de l’âge légal, pour eux, c’est juste deux ans de cotisations en plus, avec peu de dépenses supplémentaires. En l’état, leur trésorerie va exploser », détaille-t-elle.

Cela devrait constituer d’après elle, l’un des points d’attention des futurs travaux et rapports du COR, puisque les représentants de l’Agirc-Arrco évoquent pour le moment une augmentation de la valeur du point, ou des mesures pour des catégories particulièrement en difficulté, sans annonce précise. « Quand les partenaires sociaux se posent en modèle de gestion, c’est au détriment du niveau des pensions complémentaires. À ce jour, il n’y a pas d’annonce, donc l’Agirc-Arrco est juste bénéficiaire de cotisations supplémentaires. J’aimerais bien voir des projections de leur solde. » Réponse définitive jeudi, avec la présentation officielle du rapport du COR.

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