La première ministre, Elisabeth Borne, a de nouveau eu recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, mardi 7 novembre dans la soirée, pour faire passer sans vote à l’Assemblée nationale la seconde partie du projet de loi de finances 2024, consacrée aux dépenses de l’Etat. Il s’agit de la seizième fois que la première ministre met en jeu la responsabilité du gouvernement depuis son arrivée à Matignon.
« Nous ne pouvons pas priver la France de budget » et « nous le pouvons d’autant moins que nous savons bien qu’il n’existe aucune majorité alternative capable de s’entendre autour d’un budget », a justifié la première ministre lors d’une courte déclaration à la tribune de l’Assemblée, où elle a été huée à son arrivée peu avant minuit.
Aussitôt, le groupe La France insoumise (LFI) a annoncé le dépôt d’une motion de censure. Son probable rejet durant la semaine vaudra adoption en première lecture de l’ensemble de ce projet de budget 2024, avant sa transmission au Sénat.
Le texte de la motion de LFI, consulté par l’Agence France-Presse, dénonce la « cure austéritaire » du budget « alors que nos services publics sont étranglés par l’inflation et au bord de la rupture », et « la pente autoritaire dévalée par le gouvernement » avec ses 49.3.
« D’un revers de main, le gouvernement bafoue une nouvelle fois la démocratie et les nombreuses victoires votées. (…) Censurons ce gouvernement autoritaire ! », a déclaré sur X (anciennement Twitter) la cheffe de file du groupe LFI, Mathilde Panot.
« A quoi bon » débattre ?
Elisabeth Borne a déploré, de son côté, le « rythme particulièrement lent » de l’examen d’un texte qui « a pu être dénaturé » par des « milliards de dépenses » supplémentaires. En outre, « aucun des groupes d’opposition ne semble vouloir sortir de sa position de principe : rejeter le budget, quoi qu’il contienne », a-t-elle aussi regretté.
Les députés avaient examiné mardi soir l’examen des crédits « défense » de la loi de finances, avec un budget du ministère des armées prévu en hausse de 3,3 milliards d’euros, pour atteindre 47,2 milliards en 2024. Mais « à quoi bon » débattre, s’était interrogé le chef du parti communiste, Fabien Roussel, dans l’hémicycle, « si dans les heures qui viennent, encore une fois, un 49.3 va tomber sur cette Assemblée comme une guillotine ? ».
Le ballet désormais bien réglé des 49.3, qui interrompent aussitôt les débats à l’Assemblée, provoque l’indignation des oppositions, mais aussi la frustration dans les rangs de la majorité, dont les députés perdent temps de parole et visibilité dans l’hémicycle.
Lundi, Elisabeth Borne avait reconnu une période budgétaire « difficile » pour les députés, en leur promettant plus de « visibilité » et de débats sur les textes futurs. Sans doute pour ménager les parlementaires, le gouvernement a d’ailleurs attendu quelques jours avant de dégainer son nouveau 49.3, laissant le temps à l’Assemblée d’examiner certains crédits régaliens ou le toujours sensible budget des outre-mer.
Quelques amendements consensuels approuvés
Quelques amendements consensuels ont ainsi pu être approuvés. Parmi eux, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a promis 146 millions d’euros en faveur de la sécurité civile, pour lutter notamment contre les feux de forêt. Son collègue de l’éducation, Gabriel Attal, a soutenu un amendement prévoyant 30 millions d’euros pour financer les « brigades antiharcèlement » à l’école.
Mais le gouvernement reste prudent sur ces dépenses, soucieux de présenter une trajectoire budgétaire « sérieuse » aux agences de notation.
Avec le 49.3, l’exécutif a la possibilité de choisir ou d’écarter les amendements de son choix, quel que soit leur sort dans l’Hémicycle. Dans l’opposition, on reproche au gouvernement de ne conserver aucune proposition parlementaire structurante. « Il n’y a pas de volonté réelle de négocier », dénonce la députée du Puy-de-Dôme Christine Pirès Beaune (Parti socialiste).
L’un des sujets les plus sensibles, la « question du logement » n’a même pas été discutée en séance, s’indigne l’« insoumis » Eric Coquerel, président de la commission des finances. « C’est une bombe sociale », a-t-il souligné, en réclamant l’encadrement des loyers à la baisse et « la construction de 200 000 logements publics ».
Une fois la motion de censure surmontée, ce projet de loi de finances prendra la direction du Sénat, où il sera examiné à partir du jeudi 23 novembre.
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