Ils témoignent
- Christophe Roth, président de l’Agefiph (c’est l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Elle a été créée en 1987 pour développer l'emploi des personnes handicapées dans les entreprises), également secrétaire national Accessibilité et égalité des chances de la CFE-CGC
- Donatienne Guingamp, DRH de Colombus Consulting
Il y a eu 600 demandes pour 250 places disponibles au colloque « handicap : le plein emploi est-il possible ? », organisé par la CFE-CGC ce 23 novembre 2023. Face à tel engouement, le syndicat de cadres a décidé de retransmettre l’événement en live sur sa chaine YouTube.
Combien de cadres en situation de handicap en 2023 ?
L’emploi des cadres en situation de handicap dans les entreprises « stagne » selon les dires de Christophe Roth, le président de l’Agefiph, également secrétaire national Accessibilité et égalité des chances de la CFE-CGC..
Les chiffres clés à retenir :
- Un peu moins de 110 000 cadres en situation de handicap occupent aujourd’hui un emploi.
- Ces cadres représentent 10% de l’ensemble des personnes handicapées (PH) ayant un job (1,1 million).
- Le taux d’emploi des PH dans les entreprises assujetties à l’obligation d’emploi est de 3,5% contre 6% attendus légalement (+0,1% en un an dans les TPE/PME, -0,1% dans les grands groupes). En tenant compte de la réforme de 2018 incluant une majoration dans le décompte pour l’emploi de seniors handicapés, ce taux d’emploi des PH se hisse à 4,5%.
- Mais d’ici la fin de son mandat à la présidence de l’Agefiph en 2024, Christophe Roth vise un taux d’emploi (avec la formule de calcul d’avant 2018) de 4%, soit entre 150 000 et 200 000 recrutements supplémentaires.
- Le taux de chômage des PH est passé de 19% à 12%. « Je crois au plein emploi des personnes handicapées en 2027 », assure Christophe Roth..
Rien que sur notre jobboard, nous avons actuellement 200 000 offres d’emploi non pourvues alors que les employeurs nous parlent de pénurie de talents sur les métiers en tension. Notamment sur le numérique.Christophe Roth, président de l’Agefiph
Pourquoi les cadres handicapés sont moins nombreux en emploi que les autres CSP ?
1/ Déficit de formation et d’information
« On ne va pas mettre des lunettes noires pour dire la vérité. Il y a clairement un déficit de formation chez les personnes handicapées, notamment dans leur accès à des études supérieures. Et puis, on constate également une mauvaise information sur les outils de compensation à destination des personnes handicapées », argumente Christophe Roth, également secrétaire confédéral en charge de l’égalité des chances, de l’accessibilité et du logement au sein de la CFE-CGC (syndicat représentant des cadres).
Discrimination de certains employeurs
Le faible nombre de cadres en poste s’explique aussi par la discrimination dont ils sont encore victimes. C’est aussi une réalité chiffrée : « Aujourd’hui, la discrimination pour handicap représente 20% des saisines du Défenseur des droits. Le premier sujet de saisine ! », regrette Christophe Roth, lucide sur la situation.
Représentations délétères
Les stéréotypes sur les handicaps ont évidemment aussi la vie dure. « Par manque de formation, certains dirigeants et managers pensent encore que le handicap psychique, cognitif ou mental peut être dangereux pour un collectif. Que ces personnes handicapées ne pourront pas tenir leurs objectifs… », illustre-il un brin agacé par ce genre de comportements.
Les cadres rechignent à déclarer leur handicap à leur employeur
La reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH) ne fait pas recette chez les cadres handicapés. Officiellement car ils ne connaissent pas vraiment cette démarche administrative, somme toute assez longue et fastidieuse. Mais dans les faits, ils préfèrent taire leur handicap par peur d’être mis au placard, déclarés inaptes, évincés des promotions internes et des postes intéressants…
« Cette discrimination est une réalité. Or leur silence peut les placer dans une situation de fragilité dans leur boulot car la fatigue et la sur-compensation de leur handicap mais sans moyen appropriés peut finir par peser sur l’atteinte de leurs objectifs individuels », constate Christophe Roth.
Donatienne Guingamp, DRH de Colombus Consulting, reconnait « cette peur de la stigmatisation de la part des collaborateurs handicapés ». Avec un taux d’emploi de PH inférieur à 1%, le cabinet de conseil est évidemment hors des clous sur le sujet. Néanmoins cet employeur entend y remédier en formant et en sensibilisant encore davantage à une vraie culture inclusive. Mais pas que.
« Nous allons inciter nos collaborateurs concernés et volontaires à se lancer dans une démarche de RQTH. Beaucoup ignorent qu’elle peut être temporaire et qu’elle est possible en cas de maladies comme un cancer, du diabète, une dépression… L’un de nos salariés handicapé ayant déjà mené une demande de RQTH s’est porté volontaire pour devenir référent RQTH. Et ainsi accompagner les autres collaborateurs dans leur dossier RQTH. Etant déjà passé par là, il sait de quoi il parle », explique la DRH.
La présidente de Colombus Consulting, Elsa Cuisinier, touchée par une déficience auditive, se dit également prête à faire une demande de RQTH. La preuve par l’exemple !
Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.