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L'emploi salarié privé continue de croître, malgré des premiers signes inquiétants

Le bâtiment pourrait enregistrer sa première baisse d'effectif depuis 2016.
Le bâtiment pourrait enregistrer sa première baisse d'effectif depuis 2016. Tomasz Zajda / stock.adobe.com

Avec 42 000 créations d'emploi nettes au premier trimestre, le marché du travail se porte bien. Mais il baisse dans l'intérim et la construction.

Une hirondelle ne fait pas le printemps. Mais, dans un climat social tendu et après la dégradation de la dette française par l'agence de notation Fitch, les derniers chiffres de l'emploi salarié privé, publié par l'Insee vendredi matin, viennent mettre un peu de baume au cœur du gouvernement. Malgré les manifestations et les grèves, le secteur privé hexagonal a créé 42 000 postes sur les trois premiers mois de l'année. Il s'agit certes d'une progression très légère (+0,2%), mais c'est le neuvième trimestre consécutif de hausse. Résultat, sur un an, le gain est nettement plus marqué, avec une progression de 1,3%, représentant une création nette de 271 000 emplois. Par rapport à l'avant crise sanitaire, le gain est encore plus fort, puisque la France compte 1,2 million de postes en plus (+5,8%).

En dépit d'une «croissance molle» (+0,2% au premier trimestre), «il y a une résistance encore assez forte de l'emploi ce trimestre», constate Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). «Ce n'est pas une surprise car les intentions d'embauches restent assez bonnes à court terme dans les enquêtes».
Pourtant, cette hausse constante n'était pas forcément attendue par les économistes. Paris, comme l'ensemble de l'Europe, fait face depuis plusieurs trimestres à un ralentissement de la croissance économique, notamment provoqué par l'envolée des taux directeurs de la banque centrale européenne (BCE). Une politique motivée par la lutte contre l'inflation élevée qui est réapparue en force sur le continent. L'institution de Francfort a d'ailleurs décidé d'une nouvelle hausse de son taux directeur ce jeudi. Au point que des économistes tablent depuis plusieurs mois sur un retournement de situation sur le marché de l'emploi. Pour l'heure, la réalité continue de leur donner tort.

Mieux, ce gain de 44 000 créations nettes au premier trimestre 2023 est «légèrement plus élevé que ce que nous avions prévu dans notre dernière note conjoncturelle», souligne Yves Jauneau, responsable de la division synthèse et conjoncture du marché du travail à l'Insee. De quoi nourrir l'argumentaire du gouvernement qui vise toujours officiellement le plein-emploi d'ici la fin du quinquennat. Le ministre du travail, Olivier Dussopt, n'a pas tardé à le rappeler dans un tweet: «nous poursuivons notre marche vers le plein-emploi», s'est-il félicité.

Une hausse contrastée

Attention toutefois à ne pas crier victoire trop tôt. Dans le détail, les chiffres semblent nettement plus contrastés. «La hausse est de plus en plus modérée», observe Yves Jauneau. Il rappelle ainsi que la hausse de l'emploi salarié privée était de l'ordre de 1% par trimestre en 2021. Le chiffre est ensuite tombé à 0,5% sur les trois premiers trimestres 2022, pour atteindre un maigre 0,2% en fin d'année dernière, qui se prolonge sur les premiers mois de 2023.
Le relevé des tendances par secteurs laisse aussi se dessiner des mouvements très contrastés. Le bon mouvement actuel est majoritairement porté par le secteur tertiaire marchand, qui croît de 0,5%. À l'inverse l'industrie stagne tandis que l'intérim et la construction baissent. Dans cette dernière, l'emploi recule de 0,2% (soit la perte de 3 200 emplois). Il s'agit du premier trimestre de baisse dans ce secteur depuis le quatrième trimestre 2016.
Le repli de l'intérim est lui aussi inquiétant. D'une part, car le mouvement est assez net, (-2,6% soit -21 400 postes), et d'autre part car cette branche est souvent vue comme un signe avant coureur des mouvements futurs. Sans la nier, Yves Jauneau appelle cependant à relativiser cette vision: «c'était très vrai lors de la crise de 2008-2009. C'est moins le cas aujourd'hui. Le nombre d'intérimaires a pu être une réponse à un nombre élévé d'absences en congés maladie de courtes durées sur des postes non télétravaillables ». Ce qui fausse aujourd'hui les appréciations.

Ce ralentissement généralisé et le contexte économique morose ont néanmoins poussé plusieurs institutions à tirer le signal d'alarme sur le marché de l'emploi. Des institutions comme la Banque de France ou l'OFCE ont pronostiqué un rebond du taux de chômage dans les prochains mois. Selon leurs prévisions, cet indicateur, qui s'établit aujourd'hui à 7,2%, pourrait remonter à 8% fin 2023.

Mais la réalité des derniers mois appelle à la prudence. «C'est à n'y rien comprendre. L'inflation s'envole, l'activité stagne mais l'emploi progresse», lâche incrédule un chef d'entreprise.«On est entré dans le royaume de la microéconomie, abonde une source proche du Medef. Personne ne peut expliquer pourquoi les embauches continuent, mais moi quand je visite des entreprises, tout le monde me dit qu'il le fait pour répondre à un vrai besoin, pas pour se faire plaisir».


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17 commentaires
  • Dimitri78

    le

    Peut être un taux de chômage en dessous des 7% prochainement, franchissant la barre symbolique des 6,9%, ce qui n'était plus arrivé depuis 1979.

  • Tryphon

    le

    Les temps sont durs pour les pourfendeurs systématiques du macronisme ! Ils doivent attendre avec impatience la prochaine augmentation de 0,1% du chômage pour venir étaler leurs analyses

  • matuleblancian

    le

    Avec une telle inflation, encore heureux. On allait quand même pas subir que les inconvénients de l'inflation.

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