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Négociations salariales: les entreprises vont être moins généreuses cette année

Les entreprises prévoient 3,6% d'augmentation en moyenne cette année contre 4,5% l'an dernier, selon une enquête du cabinet Alixio que BFM Business vous dévoile en exclusivité. Derrière, il y aura aussi de moins en moins de primes de partage de la valeur, l’ex-prime Macron, et d’augmentations générales.

Le vent est en train de tourner dans les entreprises. De la même manière que l'État a mis fin au quoi qu'il en coûte, les employeurs commencent à leur tour à refermer le robinet, alors que se jouent en ce moment les négociations annuelles sur les salaires. Ils prévoient ainsi 3,6% d'augmentation en moyenne cette année contre 4,5% l'an dernier.

Derrière, la prime de partage de la valeur, l'ex-prime Macron, est en chute libre. Pour l'instant, seules 12% des entreprises ont prévu d'en accorder une, selon Alixio, et pour des montants inférieurs à l'an dernier: 785 euros en moyenne contre 1.135 euros. 41% des employeurs hésitent encore et 47% ont d'ores et déjà décidé de ne pas en distribuer.

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En cause: les employeurs ne voient plus vraiment l’intérêt de verser cette prime, depuis que les règles ont changé. Excepté pour les entreprises de moins de 50 salariés, elle est désormais soit fiscalisée soit bloquée pendant cinq ans. Ce qui est beaucoup moins attractif pour les salariés, qui veulent du cash tout de suite après une année 2023 marquée par l'inflation.

"L’accord de partage de la valeur a plombé tout l’intérêt de cette prime, qui était surtout utilisé comme une prime anti-inflation", résume Rodolphe Delacroix, expert en rémunération chez Alixio.

Fin des augmentations générales

Autre signe de retour à la normale, c'est le fin des augmentations générales pour tous, y compris pour les cadres.

"Après avoir ressuscité cette vieille pratique, abandonnée depuis 20 ans pour compenser l'inflation, on revient aux salaires au mérite", explique Rodolphe Delacroix.

Un peu moins d'un tiers des entreprises prévoit encore d'accorder des augmentations générales à leurs cadres, à hauteur d'1,9% contre 2,3% l'an dernier.

Cette modération salariale est liée à la baisse de l'inflation. Bercy table sur 2,6% en 2024, contre 4.9% l'an dernier. Elle est aussi liée à un retournement sur le marché de l'emploi.

"L'activité ralentit et beaucoup d'entreprises ne prévoient plus d'embaucher", explique-t-on chez Alixio.

Les tensions sur les recrutements ont du coup baissé de façon spectaculaire. 23% seulement des entreprises éprouvent encore des difficultés de recrutement, contre 56% il y a encore trois mois. Dans ce contexte, seuls ceux qui ont des compétences rares, dans la tech ou les ouvriers très spécialisés, peuvent encore espérer négocier d’importantes augmentations.

Un atterrissage des salaires en douceur pour éviter les tensions

Le rapport de force est en train de s'inverser au profit des employeurs. Ces derniers auraient donc pu tailler beaucoup plus massivement dans leurs budgets d’augmentation. 3,6%, c'est plus que l'inflation prévue à 2,6% cette année en France. On reste également sur des niveaux très supérieurs à ceux d’avant crise. Pour rappel, selon l'Insee, les salaires n'ont évolué que de 0,6% en moyenne par an entre 1996 et 2018.

Problème, les salariés risquent de se sentir lésés. Pour eux, en effet, le compte n’y est pas. D’abord, ils veulent un rattrapage de leurs salaires sur l’inflation depuis deux ans. Ensuite, ils ne ressentent pas encore la baisse des prix. Preuve d’ailleurs que la question du pouvoir d’achat n’est pas résolue, plus de la moitié des entreprises sont toujours concernées par des demandes d’acomptes. Un niveau record.

Les employeurs savent parfaitement que les tensions restent fortes. Dans ce contexte, un responsable d’Alixio résume: "ils préfèrent rester prudents pour ne pas mettre le feu aux poudres".

Caroline Morisseau