Le gouvernement communique sur sa volonté de changer de méthode, mais les oppositions restent dubitatives. Samedi 3 septembre, le ministre délégué aux comptes publics, Gabriel Attal, a annoncé, dans un entretien au Parisien, qu’il souhaite présenter « nos pistes et les arbitrages en cours » concernant le prochain projet de loi de finances « à tous les parlementaires des commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat, majorité comme opposition (…) avant même qu’[il] n’arrive en conseil des ministres », et ce dans le but « [d’échanger] sur leurs propositions en anticipation du débat parlementaire ».
« Dans un contexte inédit, [ces “dialogues de Bercy” constituent] une initiative inédite » a-t-il ajouté. Faute de majorité absolue, le gouvernement devra en effet compter sur des voix de l’opposition pour parvenir à faire passer son budget 2023 – sauf à activer l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer sans vote son projet de loi à l’Assemblée nationale en engageant la responsabilité du gouvernement.
« Je m’étonne de certaines déclarations, notamment côté [des Républicains, qui souhaitent davantage d’économies], indiquant leur intention de voter contre, avant même que le projet de loi ne soit connu, a ajouté Gabriel Attal. De facto, cela laisserait peu d’autres choix que l’utilisation du 49.3. Je ne me résous pas à cette perspective. »
Les oppositions dans l’expectative
Chez les Républicains, on assure qu’aucune décision d’obstruction n’a été prise. « On se veut dans la poursuite de l’état d’esprit de juillet, au moment des textes sur le pouvoir d’achat, dans un schéma d’opposition constructive, affirme au Parisien la vice-présidente LR de la commission des finances, Véronique Louwagie. La façon dont nos amendements seront retenus déterminera notre attitude. »
« Ce n’est pas un acte comptable de voter un budget, c’est avant tout un acte politique », et « il n’est pas question, par des artifices politiciens, de rentrer dans un petit jeu de négociations », a cependant déclaré, lors d’un discours au campus de rentrée des jeunes LR à Angers, le président des sénateurs du parti, Bruno Retailleau, candidat à la présidence des Républicains en décembre.
Autre candidat, le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti a assuré que, « personnellement », il voterait « contre ce budget car le budget est l’acte fondateur » d’une majorité. « Que cette majorité se débrouille, nous ne serons pas sa béquille », a-t-il ajouté. Le président des députés LR, Olivier Marleix, a cependant souligné que son groupe « s’efforcera[it] d’être toujours la boussole qui indique l’intérêt national ».
Côté Rassemblement national, fin de non-recevoir. « Je n’irai pas à Bercy dialoguer avec Gabriel Attal », a déclaré sur BFM-TV le président par intérim du parti d’extrême droite, Jordan Bardella, ajoutant que « le lieu de la discussion s’appelle l’Assemblée nationale ». M. Bardella, pour qui « la première des économies » à faire « est d’arrêter l’immigration », a ajouté que son groupe parlementaire « ne voterait pas le budget », sans dire s’il voterait contre ou s’abstiendrait. Dans le cas où le gouvernement aurait recours au 49.3, M. Bardella a affirmé que « probablement, nous déposerons une motion de censure ».
Opération de « communication »
De son côté, la cheffe de file des députés de La France insoumise (LFI), Mathilde Panot, n’a pas dit « non immédiatement » à la proposition du ministre. Mais « c’est à eux de céder sur des choses » car « nos propositions sont connues [et] nous les porterons dans l’enceinte démocratique », a-t-elle prévenu sur France 3, en citant l’augmentation des salaires, la taxation des « superprofits » et encore le blocage des prix, qui seront inscrits dans une proposition de « contre-budget ». « On va essayer de faire passer des choses » au Parlement mais « je pense que nous voterons contre ce budget », a-t-elle affirmé.
La députée « insoumise » Raquel Garrido, elle, a mis en garde sur Franceinfo le gouvernement contre la tentation de l’usage du 49.3 pour faire adopter son budget à l’Assemblée : « Les Français détestent le 49.3. On est l’un des seuls pays du monde où, dans les manifestations, on parle des articles de la Constitution pour les critiquer. (…) Le fait que [le gouvernement] en parle, c’est un signe de faiblesse au cœur des institutions. »
Le président de la commission des finances de l’Assemblée, Eric Coquerel (LFI), a également fait part de ses réserves au Huffington Post : « Je suis pour discuter au sein de [l’alliance de gauche] Nupes » de la proposition de M. Attal « car il ne faut pas que cela serve uniquement à la communication du gouvernement ». « Pour l’instant, j’ai surtout l’impression (…) qu’il est dans une recherche de majorité anticipée avec les Républicains », a-t-il ajouté.
Quant à Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, il n’a pas été totalement catégorique : « Je n’ai jamais refusé aucune main tendue quand elle est réellement tendue », a-t-il déclaré dans l’émission « Questions politiques », diffusé sur France Inter, France Télévisions et Le Monde. « Si un budget de gauche demain est proposé, pourquoi je voterais contre ? », a-t-il questionné, tout en doutant de l’hypothèse.
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