Recrutements : 337 000 postes de cadres à pouvoir en 2024 dont la moitié concentrés sur 3 fonctions

Sylvie Laidet et Sylvia Di Pasquale

PREVISIONS APEC 2024 - Mais où l’emploi cadres s’arrêtera-t-il ? Dans son baromètre sur les prévisions d’emplois cadres en 2024, l’Apec affiche encore des chiffres hors norme. Un bon cru qui mérite quand même d’être nuancé. Toutes les régions, tous les secteurs, toutes les fonctions et tous les candidats ne seront pas logés à la même enseigne. Décryptage.
Recrutements : 337 000 postes de cadres à pouvoir en 2024 dont la moitié concentrés sur 3 fonctions

Bilan : 330 700 embauches cadres en 2023

Même l’Apec ne semble pas en revenir. Selon son dernier baromètre emploi cadres publié le 2 avril 2024, les entreprises ont dépassé leurs propres prévisions de recrutements de l'an passé. Contrairement à ce qu’elles avaient indiqué, elles ont davantage embauché des cadres en 2023 qu’en 2022 : 330 700 recrutements réalisés (contre 308 800 prévus). Soit une hausse de 7% en un an.

A cette bonne nouvelle, plusieurs explications :

  • D’abord des facteurs structurels : « La France compte de plus en plus d’emplois cadres et ingénieurs. A date, les cadres représentent 22,5% de l’emploi salarié du privé. A 10 ans, nous devrions atteindre 25% », souligne Gilles Gateau, le directeur général de l’Apec.
  • Un autre facteur, plus conjoncturel explique cette croissance de l'emploi cadres : « Si le taux de croissance du PIB a ralenti en France, il n’en est pas de même pour le taux de croissance des investissements des entreprises : +2,7% en 2023. Or, ce sont ces investissements qui tirent spécifiquement les embauches cadres », explique-t-il.
  • Enfin, les entreprises semblent aussi être dans une logique de rétention des talents. Elles sont prêtes à accepter des périodes de sous-productivité de certains salariés plutôt que de s’en séparer, au risque de peiner à recruter des talents (les fameux) lorsque les commandes et projets repartiront à la hausse. En tenant compte des départs (retraite, licenciements, démissions) et des promotions internes, l’Apec décompte 85 400 créations nets d’emploi cadres en 2023. 

Les services à forte valeur ajoutée continuent à tirer l’emploi cadres mais l’industrie repasse au vert en 2023

Les moteurs traditionnels de l’emploi cadre (activités informatiques, ingénierie – R&D, activité juridiques, comptables, conseil) sont restés très actifs avec des hausses observées de leur volume de recrutements de cadres oscillant entre +6 et +10 %. « La bonne surprise est venue de l’industrie en pleine transformation et dont les besoins en expertise et compétences cadres se sont renforcés (+15 %). On peut faire aussi l’hypothèse que le cycle de rebond post-Covid a été plus lent à se manifester dans l’industrie », souligne Laetitia Niaudeau, directrice générale adjointe de l’Apec.

D’autres secteurs, en revanche, ont réduit leur voilure (la construction et le commerce), dans un contexte économique extrêmement délicat. 

Prévisions 2024 : 337 000 embauches de cadres prévues

Cette année sera-t-elle aussi porteuse en termes d’emplois cadres que 2023 ? « Nous avons interrogé les entreprises entre fin novembre 2023 et début janvier 2024, donc dans un contexte de grève, d’inflation, d’incertitude du système bancaire et avec un scénario où la reprise économique n’est pas franchement à l’ordre du jour. La croissance pourrait fléchir à 0,8%. De plus, la Banque de France estime que la progression des investissements des entreprises, qui tirent donc en général l’emploi cadres, devrait être de l’ordre de -0,4%, notamment à cause de l’augmentation des taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation. Dans ce contexte peu réjouissant, on assiste plutôt à une bonne surprise sur les prévisions de recrutements cadres en 2024. 337 000, soit une hausse de 2% par rapport à 2023. Un ralentissement après 3 années atypiques qui nous fait dire que nous arrivons sans doute à un plateau de très haut niveau », décrypte Laetitia Niaudeau. 

L’Ile-de-France et la région AURA toujours aux avants-postes des embauches cadres en 2024. 

Si vous cherchez un emploi cadre, sachez que deux régions concentrent la majorité des recrutements à venir. Pas bien compliqué à retenir car ce sont au final toujours les mêmes. « Avec 160 110 recrutements de cadres prévus (+2 %), l’Île-de-France représenterait à elle-seule près d’une embauche de cadre sur deux en 2024. En effet, la région capitale se caractérise par un tissu économique d’une dimension à nulle autre pareille et riche en activités à forte valeur ajoutée telles que les activités informatiques et télécommunications, les activités juridiques, comptables et de conseil ou encore l’ingénierie-R&D », soulignent les auteurs du baromètre Apec.

Sans surprise, la région Auvergne-Rhône-Alpes maintiendrait sa deuxième place en termes de volumes de recrutements de cadres avec 38 520 embauches attendues en 2024 (+3%). Sa structure sectorielle est équilibrée entre des services à forte valeur ajoutée et des activités industrielles de pointe (fabrication de composants électriques, électroniques, optiques, etc.). Mais d’autres régions tirent également leur épingle du jeu en matière de recrutements cadres. « On note également une dynamique intéressante en Occitanie avec des pôles informatiques à Montpellier et bien sûr l’aéronautique à Toulouse. Mais aussi en Pays-de-Loire avec une bonne tenue de l’informatique et de l’industrie automobile et aéronautique », précise Laetitia Niaudeau. Des idées de mobilité inter ou intra régions peut-être…

Les services à forte valeur ajoutée et l’industrie pour doper l’emploi cadres en 2024

« Acteurs centraux des changements de paradigmes technologiques et des transformations structurelles qui touchent l’ensemble de l’économie, les services à forte valeur ajoutée continueraient à être très actifs sur le marché de l’emploi cadre avec près de 190 000 recrutements prévus en 2024. Les activités informatiques, de loin le premier contributeur, progresseraient de 6 % avec 76 200 embauches cadres envisagées. L’ingénierie R&D, les activités juridiques, comptables et conseil et la banque-assurance apporteraient leur écot avec des hausses oscillant entre +2 et +4 % », explique l’étude Apec.

Après un millésime 2023 remarquable (+15 %), les entreprises industrielles font preuve d’un optimisme teinté de prudence pour leurs prévisions 2024. Elles envisagent l’embauche de près de 47 000 cadres soit une progression de 4 % par rapport à l’an dernier. « Ce sont les secteurs à haute intensité technologique et à fort taux d’encadrement qui se montreraient particulièrement actifs en volume de recrutements : les équipements électriques et électroniques (+8 %), l’automobile, aéronautique et autres matériels de transport (+5 %) ou encore la chimie et l’industrie pharmaceutique (+3%). Enfin l’ensemble énergie, eau, gestion des déchets, au cœur de la transition environnementale, est le mieux orienté pour 2024 avec la plus forte hausse de recrutements envisagée (+10 %) », précise Laetitia Niaudeau.

Trois fonctions concentrent la moitié des embauches cadres en 2024 

On prend les mêmes et on recommence et surtout cela reste cohérent avec les secteurs qui tirent l’emploi cadres.

En 2024, les métiers de l’informatique, des études-R&D et du commercial concentreraient 53 % de l’ensemble des embauches prévues. Sans surprise, les recruteurs continueraient de privilégier les cadres informaticiens, avec 67 650 recrutements attendus, confirmant année après année leur position centrale sur le marché de l’emploi cadre.

Le secteur des activités informatiques (près de 80 % des recrutements prévus de cadres informaticiens) porte de nombreux défis liés à la transformation numérique et digitale des entreprises, à la cybersécurité, à l’essor de nouvelles technologies (notamment l’intelligence artificielle et les solutions génératives) ou encore au développement de solutions vers le cloud. Quels que soient les secteurs d’activité, les cadres commerciaux représenteraient une part importante des recrutements prévus en 2024 (17 %). Avec 52 210 embauches attendues, les cadres en études-R&D seraient aussi particulièrement sollicités par les entreprises de l’ingénierie-R&D, des équipements électriques et électroniques ou encore celles de l’industrie automobile, aéronautique et autres matériels de transport, en pleine mutation technologique. Vous voilà prévenu pour ajuster vos mobilités externes, voire envisager des bifurcations professionnelles. 

Les candidats avec 1 à 10 ans d’expérience plébiscités par les employeurs 

En 2024, près de 6 recrutements sur 10 concerneraient des cadres de 1 à 10 ans d’expérience professionnelle qui restent les profils privilégiés par les recruteurs. Au total, ils représenteraient à eux seuls 198 830 embauches, soit + 10 % en un an si la prévision venait à se réaliser.

Les jeunes diplômés dotés de moins d’un an d’expérience profiteraient également de la bonne orientation du marché de l’emploi cadre en 2024 avec 53 920 recrutements attendus (16 % de l’ensemble des embauches).

L’embauche des seniors toujours à la traîne 

Et quid des seniors ? Les entreprises du secteur privé envisageraient de recruter jusqu’à 20 220 cadres de plus de 20 ans d’expérience (6 % de l’ensemble des recrutements). En 2023, ce sont 23 800 cadres de plus de 20 ans d’expérience qui ont été recrutés.

Les boîtes « senior friendly » ? Plutôt les entreprises industrielles que celles œuvrant dans les services. On le voit, alors que les partenaires sociaux sont en pleine négociation sur l’emploi des seniors,  les chiffres ne sont pas réjouissants.

Mais l’Apec se veut encore une fois rassurante. « Ces prévisions reflètent les intentions de recrutement identifiées par les entreprises au moment de l’enquête. Dans un contexte où les difficultés de recrutement sont élevées, les entreprises peuvent souvent être amenées à procéder à des ajustements et à s’écarter de leurs projets initiaux, notamment en termes d’expérience. Ainsi, ces ajustements pourraient profiter aux cadres débutants comme aux plus expérimentés en 2024 », insiste Gilles Gateau en s’appuyant sur des chiffres. En 2023, 24% des boites envisageaient d’embaucher des candidats avec au moins 10 ans d’expérience. Finalement dans la réalité (les embauches effectives), cette part a grimpé à 27%. Donc quand ils peinent à trouver des candidats, les employeurs regardent un peu plus les CV des candidats ayant davantage d’expérience. Cette bonne nouvelle suffira-t-elle à endiguer le problème de fond de l’emploi des seniors en France ? Pas si sûr ! 

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Sylvie Laidet et Sylvia Di Pasquale
Sylvie Laidet et Sylvia Di Pasquale

Sylvie Laidet, journaliste indépendante, réalise des enquêtes sur le monde du travail. Sylvia Di Pasquale est rédactrice en chef de la partie Actualités de Cadremploi.

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