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Retraites: après le chaos à l’Assemblée, le débat de fond au Sénat

Séance publique des questions d’actualité au gouvernement, le 8 février, dans l’hémicycle du Sénat, à Paris. Xose Bouzas / Hans Lucas via Reuters

Les sénateurs, qui s’emparent du texte en commission ce mardi, entendent se distinguer de l’obstruction menée par les députés.

Après quinze jours de débats tumultueux à l’Assemblée nationale, le projet de loi du gouvernement sur les retraites arrive au Sénat, en commission ce 28 février et le 2 mars en séance publique. Le texte sera examiné jusqu’au dimanche 12 mars. «On se donne le temps», sourit Gérard Larcher, qui, après accord des présidents de groupe, a autorisé l’examen du texte le week-end, et si besoin au-delà de minuit. Face à l’enjeu, le président du Sénat s’apprête à siéger beaucoup et à dormir sur place pendant l’ensemble des discussions. «Il faut faire beaucoup de pédagogie», sur ce texte. «Au-delà des parlementaires, on parle aux Français», glisse-t-il, conscient de l’enjeu. «Le Sénat ne se livrera pas à une obstruction des débats, par respect des Français. Ils ont le droit à un débat sérieux», promet Bruno Retailleau, le président des sénateurs LR. Un avis partagé par Hervé Marseille, à la tête du groupe Union centriste. «Le Sénat tâchera de donner une autre image avec des débats de fond, en complétant le projet de loi du gouvernement. Nous allons nous efforcer d’arriver à un vote clair», plaide-t-il.

En raison de l’article 47-1 de la Constitution, utilisé par le gouvernement, et faute de vote à l’Assemblée nationale, les sénateurs plancheront donc sur le projet de loi du gouvernement, complété des amendements que l’exécutif a bien voulu retenir. Et la majorité sénatoriale a la ferme intention d’examiner les 20 articles que comporte le texte… à commencer par le fameux article 7, sur la durée de cotisation et l’âge de départ légal à la retraite. De quoi faire espérer le gouvernement. Élisabeth Borne a d’ailleurs échangé vendredi avec le président du Sénat, Gérard Larcher, ainsi que les deux patrons de groupe de la majorité sénatoriale, Bruno Retailleau et Hervé Marseille, avant le début de l’examen du texte dans l’hémicycle jeudi. «Un tour d’horizon avant atterrissage du dossier au Sénat», relate ce dernier, qui a évoqué avec la première ministre les priorités de son groupe - cohérence globale de la réforme, situation des seniors et des femmes - lors de l’examen du texte.

Interrogé sur France Inter jeudi dernier, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a fait le «constat» que le parti Les Républicains au Sénat avait «déjà voté plusieurs années consécutives» des «dispositions qui ressemblent bigrement» au projet gouvernemental actuel de report de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ, faisant référence à un amendement voté chaque fin d’année depuis quatre ans par les sénateurs lors de l’examen du budget de la Sécurité sociale. «Donc nous considérons que la base d’un accord est sur la table», a-t-il ajouté. Pour autant, si la majorité sénatoriale est favorable à la réforme des retraites, Gérard Larcher et Bruno Retailleau entendent rappeler la nécessité de veiller aux équilibres financiers. «C’est la condition de la robustesse de notre modèle social», rappelle Bruno Retailleau. «Nous allons nous assurer qu’il ne s’agit pas d’une réforme pour rien, et que l’on ne se retrouvera pas en déficit en 2030», poursuit le président des sénateurs LR. «Pour l’instant, on a vu beaucoup de dépenses, mais sans identifier les recettes. Sinon, ça va coûter très cher», regrette Hervé Marseille en faisant le calcul de tous les points sur lesquels le gouvernement a lâché.

Samedi, en marge d’un déplacement au Salon de l’agriculture, le président de la République, Emmanuel Macron, a évoqué l’arrivée du texte à la Chambre haute, souhaitant que «le Sénat puisse enrichir» le projet de loi «avec ce qui lui paraît utile». Si les députés, notamment LR, se sont beaucoup attardés sur la question des carrières longues, les sénateurs LR entendent aussi revenir largement sur la question de la démographie, de la politique familiale et des mères de famille. «Il n’est pas question que la réforme se fasse sur leur dos, avance Bruno Retailleau. Elles ont permis de consolider notre modèle, et là elles se retrouvent fragilisées par le projet du gouvernement.» Un point sur lequel les sénateurs de l’Union centriste comptent bien aussi se faire entendre. Le groupe d’Hervé Marseille réfléchit à bonifier 5 % la pension dès le deuxième enfant.


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«Trouver des solutions»

L’exécutif semble d’ailleurs prêt à «bouger» sur ce point précis. Dimanche, sur BFMTV, le ministre du Travail a précisé que le gouvernement était «d’accord et ouvert», concédant qu’«avoir des âges de départ différenciés entre les femmes et les hommes, ce n’est pas très juste». «Le chantier que nous avons à améliorer et à poursuivre concerne la situation des femmes qui ayant eu des enfants, arrivent à l’âge de la retraite (…) avec des trimestres validés au titre de la maternité», a convenu Olivier Dussopt. «On peut trouver des solutions», a-t-il ajouté.

Si l’article 2 sur l’instauration d’un «index senior» avait été largement débattu à l’Assemblée avant d’être repoussé par les députés, notamment les élus LR, les sénateurs de droite n’entendent pas non plus reprendre cette idée. «On a toujours eu des doutes sur la constitutionnalité de l’index senior, explique Bruno Retailleau. Ensuite, on ne peut pas réduire uniquement cette question-là à un index.» Les élus LR devraient donc faire d’autres propositions. Un point de désaccord avec le groupe d’Hervé Marseille, qui n’est pas hostile à un index senior - en abaissant le seuil d’application aujourd’hui prévu à 300 salariés - ni au système de bonus-malus pour les entreprises.

Malgré leur opinion très défavorable sur cette réforme et leur farouche opposition, les différents groupes de gauche du Sénat attendent eux aussi de retravailler le projet de loi du gouvernement. Et ne souhaitent pas se livrer au même «cirque» - dixit Patrick Kanner - que les Insoumis lors des débats à l’Assemblée nationale. Ces derniers jours, plusieurs déclarations des Insoumis ont agacé les sénateurs de gauche. En particulier un tweet jugé «très provocateur» de Jean-Luc Mélenchon, se félicitant que «les groupes Nupes du Sénat adoptent la stratégie du groupe LFI à l’Assemblée pour empêcher le vote de l’article 7 avant le blocage populaire». «Nous n’avons pas de leçons à recevoir des Insoumis. Je n’ai jamais reçu une quelconque pression du leader de mon parti, alors ce n’est sûrement pas Jean-Luc Mélenchon qui va essayer de m’impressionner», s’insurge la patronne du groupe communiste au Sénat, Éliane Assassi. «Mélenchon n’a pas à nous dire comment nous comporter, il n’y a pas de Nupes et encore moins d’Insoumis au Sénat», tance également Patrick Kanner.

Un débat «serein mais ferme»

Le président du groupe socialiste au Sénat l’assure: les trois groupes de gauche ne déposeront pas plus de 1500 amendements au total. «Nous sommes là pour affirmer un projet politique, pas pour faire de l’obstruction avec des amendements bidon. Les discussions à l’Assemblée n’ont pas servi le parlementarisme», cingle-t-il, regrettant que les Insoumis aient «imposé leur volonté» aux trois autres groupes de la Nupes lors de l’examen du texte au Palais Bourbon. Même avis pour les communistes, qui affichent la ferme volonté de marquer leurs différences. «Nous ne serons pas dans l’invective, ce n’est pas dans notre culture. Nous serons à l’offensive pour marquer notre opposition sur le fond de cette réforme», prévient Éliane Assassi. Le patron du groupe écologiste, Guillaume Gontard, plaide lui aussi pour un débat «serein mais ferme». «Nous allons mener un travail de fond avec notre style, différent de celui des députés. Quelle que soit l’issue, le Sénat peut sortir grandi de ces discussions», espère-t-il. Le sénateur de l’Isère insiste d’ailleurs sur la volonté de tous les sénateurs de gauche de débattre et de sanctionner d’un vote l’article 7, qui concerne le report de l’âge légal à 64 ans. Quitte à supprimer des amendements si cela est nécessaire.

Mercredi matin, un petit déjeuner réunira Gérard Larcher et tous les présidents de groupe au Sénat. Objectif: «Jauger la détermination des uns et des autres», décrypte un futur participant. En toile de fond, la possible utilisation par le président du Sénat de l’article 38 du règlement intérieur. Celui-ci permet de limiter le temps de débat sur un amendement, un article ou l’ensemble du texte, dès lors qu’au moins «deux orateurs d’avis contraire sont intervenus». Un scénario redouté par la gauche. «Les débats ont déjà été contraints par le gouvernement. J’espère que Gérard Larcher ne choisira pas de faire de l’obstruction en nous censurant», tance l’écologiste Guillaume Gontard. «Il faut être responsable… S’ils utilisent des moyens pour que le texte ne soit pas étudié dans son entièreté, les outils dont dispose le Sénat pour accélérer l’examen sont totalement démocratiques», répond-on à droite.


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32 commentaires
  • Luiggi52

    le

    Le débat ??

  • cocolaray

    le

    les députés sont là pour se faire mousser, mais ne font rien pour les français , ils se goinfrent sur le dos des imbéciles que nous sommes , a quand un changement????

  • fontvieille

    le

    "On" va , enfin, pouvoir commencer à travailler sérieusement///!

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