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Retraites: le COR a-t-il changé ses prévisions en quelques mois?

D'après le dernier rapport du COR, le déficit du système de retraite sera "durable", malgré la réforme adoptée au forceps par le gouvernement pour rétablir l'équilibre financier à horizon 2030. Contredits, plusieurs membres de l'exécutif remettent en cause la fiabilité de ces nouvelles prévisions.

Haro sur le COR. Critiqué en début d'année pour avoir relativisé l'ampleur des déficits à venir, le Conseil d'orientation des retraites rattaché à Matignon est aujourd'hui accusé par le gouvernement et la majorité de l'exagérer.

L'instance présidée par Pierre-Louis Bras doit publier officiellement son nouveau rapport ce jeudi mais les principales conclusions ont fuité en début de semaine. Il ressort de ces travaux que le système de retraite sera "durablement" dans le rouge dès l'an prochain et donc pas à l'équilibre en 2030 comme promis par l'exécutif dans le cadre de sa réforme décalant l'âge légal de départ de 62 à 64 ans.

"Farce", "irresponsabilité"...

La riposte ne s'est pas fait attendre. "Vous voyez bien que ses évaluations changent tous les six mois", a cinglé Bruno Le Maire dès mardi. Disant prendre ces prévisions "avec beaucoup de prudence", le ministre de l'Economie a ciblé sans le nommer "le président du COR" Pierre-Louis Bras. Ce haut fonctionnaire marqué à gauche a reçu le même jour une flèche d'Olivier Dussopt, qui lui a reproché d'avoir expliqué en début d'année "qu'il n'y avait pas le feu au lac, que le déficit serait de l'épaisseur du trait".

Le ministre du Travail garde visiblement en travers de la gorge l'audition, devenue fameuse, de Pierre-Louis Bras expliquant en janvier aux députés que "les dépenses de retraite ne dérapent pas". Simple rappel des constats de son institution, que les opposants à la réforme n'avaient pas manqué de monter en épingle. Vécus comme un crime de lèse-majesté, ces propos lui avaient alors attiré les foudres de la Première ministre Elisabeth Borne, qui avait jugé que le COR se basait sur "beaucoup d'hypothèses", ce qui pouvait "nuire à la lisibilité de ses conclusions".

Dont acte: le dernier rapport en date ne contient plus que quatre scénarios. Et ce sont les plus pessimistes, ce qui ne fait toujours pas les affaires des partisans de la réforme. Le député Nicolas Turquois s'est ainsi ému mardi de "ce renversement d'analyse quasi complet", au nom de son groupe Modem qui "pense qu'une réflexion doit être menée sur le fonctionnement, ou le dysfonctionnement, du COR". D'autres élus du parti présidentiel Renaissance y sont allés plus franchement, comme le député Pierre Cazeneuve dénonçant sur Twitter la "farce" et l'"irresponsabilité" de cette instance qui a "laissé planer le doute sur la réalité de notre système de retraites et contribué à toutes les démagogies".

Baisse des dépenses... et des recettes

Le COR aurait-il fait volte-face en alertant aujourd'hui sur un déficit "durable" du système de retraite après avoir affirmé il y a quelques mois qu'il n'y avait pas de problème de financement? En réalité, le COR n'a jamais nié les problèmes d'équilibre financier des régimes de retraite, contrairement à ce que laisse entendre le gouvernement.

On peut éventuellement reprocher au président de l'organisme d'avoir surtout insisté sur la baisse des dépenses à venir. Lors de son audition devant les députés en janvier, Pierre-Louis Bras soulignait effectivement la "diminution ou quasi-stabilité des dépenses de retraites" à long terme dans la plupart des hypothèses. Une prédiction contre-intuitive "au regard du vieillissement démographique attendu" mais qui s'explique par un décalage progressif de l'âge de départ à la retraite du fait des réformes déjà votées et par la moindre augmentation du niveau de vie des retraités relativement aux actifs en raison de l'indexation des pensions sur les prix, et non sur les salaires qui ont tendance à augmenter plus rapidement, indiquait déjà le COR dans son rapport en 2022. Un constat toujours valable dans le dernier rapport de l'instance.

En revanche, si les dépenses sont amenées à diminuer (de 13,7% du PIB en 2022 à 13% en 2070), les recettes devraient baisser davantage (de 13,8% du PIB en 2022 à 12,2% en 2070), notamment en raison des restrictions d'effectifs et de salaires chez les fonctionnaires. D'où l'existance de déficits. Ce que rappelait déjà le COR en 2022 ainsi que son président devant les députés il y a six mois, évoquant "des évolutions négatives sur les ressources" qui conduiront aux déficits, comme on peut le lire dans le compte rendu de l'Assemblée nationale:

"Le message du COR n’est pas aussi contradictoire qu’on le dit. Il est possible de dire à la fois que les dépenses ne vont pas déraper et qu’il y aura des déficits. La clé de cette contradiction apparente réside dans le fait que les déficits s’expliqueront en très large partie par un effet 'ressources'", avait précisé Pierre-Louis Bras.

Réforme "indispensable"

Dans le détail, le COR prévoit un déficit du système compris entre 0,2 et 0,3 point de PIB en 2030, soit entre 5 et 8 milliards d'euros par an. C'est toutefois deux fois moins que les précédentes prévisions qui tablaient sur un déficit de 0,4% de PIB, sans réforme. Le déficit continuerait ensuite de se creuser pour atteindre entre 0,2 et 1,6% du PIB en 2070.

Mais quoi qu'en dise le COR, le gouvernement maintient que "la réforme permet d'équilibrer le système à terme, d'ici 2030-2035", mettant ce probable retard sur le compte de l'inflation qui fait augmenter les pensions plus vite que les salaires et les cotisations.

Sans craindre de se contredire, l'exécutif trouve malgré tout quelques vertus au dernier rapport du COR, qui prouve selon Bruno Le Maire que la réforme des retraites "était indispensable" car le "sujet de financement" sera "beaucoup moins important que si nous ne l'avions pas faite".

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis avec AFP Journaliste BFM Eco