Salaire : les augmentations s’envolent en 2023 mais les cadres doivent les mériter

Sylvie Laidet-Ratier

ETUDES SALAIRES – C’est la saison des études de rémunération. Le 19 juillet 2023, deux cabinets de conseil en rémunération, LHH et Mercer, ont livré les résultats de leurs études sur les négociations annuelles obligatoires (NAO) 2023. Bilan ? Entre 4,7 % et 4,95 % d’augmentation globale (chiffres médians). Avec comme tous les ans, de bonnes et de moins bonnes nouvelles pour les salariés, notamment pour les cadres. Augmentations générales, individuelles, prime de partage de la valeur… Revue de détails.

Record battu pour les augmentations 2023. En revanche, pour celles de 2024, les prévisions de Mercer et de LHH divergent.

Salaire : les augmentations s’envolent en 2023 mais les cadres doivent les mériter
Record battu pour les augmentations 2023. En revanche, pour celles de 2024, les prévisions de Mercer et de LHH divergent.

Des augmentations globales historiquement élevées

Record d’augmentation battu ! Qu’ils s’agissent des chiffres publiés par LHH* ou Mercer**, cette année, les augmentations flirtent avec les plus hauts jamais enregistrés (chiffres médians) :

  • +4,7% selon le cabinet LHH
  • + 4,95% selon Mercer

Soit près de 2% de plus qu’en 2022. Après d’âpres négociations avec les partenaires sociaux, les employeurs n’ont pas eu d’autres choix que de mettre vraiment la main au porte-monnaie. Notamment pour essayer de lutter contre l’inflation galopante et préserver autant que faire se peut, le pouvoir d’achat de leurs collaborateurs. Pour autant, les efforts consentis par les boîtes n’ont pas toujours permis d’absorber l’inflation (estimée autour de 5% en 2023) pour tout le monde. Mercer souligne ainsi que les budgets d’augmentation « varient fortement d’une entreprise à l’autre, allant de 2,8% au minimum à 8% au maximum ». Des gagnants et des perdants donc !

 

Plus d’augmentations générales pour tout le monde

Comme toujours, ces chiffres d’augmentation se décomposent entre deux parties : les augmentations générales (AG) et les augmentations individuelles (AI). Selon le cabinet Mercer, les AG s’élèvent à 3% cette année contre 1,1% en 2022. Et, fait nouveau, les augmentations générales concernent davantage de salariés. Longtemps fléchés en direction des plus bas salaires, ces sommes concernent également les cadres (mais hors cadres supérieurs et dirigeants). 2 entreprises sur 3 auraient ainsi octroyé des AG à leurs cadres selon l’étude LHH.

Selon les données du rapport de Mercer, le management et les cadres vente et hors vente, ont bénéficié de 1% à 1,25% d’AG. On l’a souvent dit (et écrit) et répété sur Cadremploi, malgré des revenus plus confortables que les autres CSP, les cadres n’ont pas été épargné par la chute du pouvoir d’achat. Cette année, les employeurs ont ainsi décidé de les inclure dans les plans d’AG. La belle affaire ? Pas si sûr. Car ceux qui auront bénéficié d’AG ne sont sans doute pas éligibles aux augmentations individuelles.

 

Des augmentations individuelles plus que jamais octroyées au mérite

Pour booster les salaires de leurs cadres, les employeurs tablent encore et toujours sur les augmentations individuelles (AI). Pour le management et les cadres (vente et hors vente), elles sont de l’ordre de 3% selon Mercer. Et de 3,5% pour les cadres supérieurs et dirigeants.

Sans les chiffrer, LHH souligne pour sa part que 9 entreprises sur 10 ont accordé des AI à leurs cadres. Les grands gagnants de cette attribution des augmentations individuelles ? Les cadres les plus méritants. Autrement dit, les plus performants et surtout ceux ayant des postes clés pour les entreprises. Les talents que les employeurs veulent à tout prix retenir pour éviter de les voir partir à la concurrence. La guerre de la rétention fait rage.

La prime de partage de la valeur plébiscitée par les employeurs

A quelques points près, LHH et Mercer s’accordent pour dire que près de la moitié (entre 45 et 49%) des entreprises souhaite verser une prime de partage de la valeur (PPV) en 2023 et que le montant médian devrait atteindre 800 euros.

Les critères d’éligibilité les plus fréquents sont le temps de présence, puis le niveau de rémunération puis l’ancienneté puis la classification. « Pour rappel des primes exceptionnelles de pouvoir d’achat ont été versées en 2022 à hauteur de 675 euros dans 53% des entreprises », soulignent les auteurs de l’étude LHH.

 

Des rémunérations dopées par des périphériques de salaire

Par souci d’optimisation de leur masse salariale, les entreprises ont plus que jamais dégainé des avantages autres que du salaire. Selon Mercer, deux tiers des employeurs auraient intégré des éléments supplémentaires. Par exemple, une augmentation de la couverture des frais de transport, des indemnités de carburant, du budget du Comité Social et Économique, des indemnités d'éloignement, de la contribution aux tickets restaurant, la prise en charge de programmes sociaux, sans oublier la prise en charge par l'employeur d'une partie des coûts des soins de santé.

Les augmentations 2024 : des prévisions en demi-teinte


En attendant les clauses de revoyure potentielles entre direction et partenaires sociaux pour les augmentations 2023, les cabinets font déjà leurs projections pour 2024. Et là, leurs visions divergent.

  • Selon Mercer,  « les budgets pour 2024 devraient a priori rester inchangés par rapport à ceux de 2023, soit 4,95%. Mais l’évolution de la situation économique et de l’inflation sur le second semestre obligeront peut-être les entreprises à venir ajuster ce chiffre ».
  • LHH se montre pour sa part d’emblée plus prudent : « les prévisions d’inflation à la baisse laissent entrevoir le retour à des pratiques moins élevées avec des budgets d’augmentations, en deçà de 4 %, pour un taux médian de 3,5 % qui demeure néanmoins encore significatif ». Soit 1,2% de moins qu’en 2023.

Gageons que les augmentations individuelles ne manqueraient pas de prendre encore davantage le pas sur les augmentations générales. Et que les cadres devront encore davantage montrer patte blanche pour faire partie des heureux élus.

Bien négocier son salaire : source d’anxiété, notamment pour les femmes et les seniors

Selon la dernière enquête Robert Half "Ce que veulent les candidats" (avril 2023) :

  • Si 56% des hommes se sentent à l'aise pour négocier leur salaire, ce n’est le cas que pour 36% des femmes
  • 53% des 18-34 ans se disent à l’aise pour négocier leur salaire, contre seulement 40% des 45-65 ans
  • Alors que 45% des femmes et 48% des 45-65 ans déclarent n’avoir perçu aucune augmentation au cours des douze derniers mois, ils ne sont que 35% chez les hommes et 30% chez les 18-34 ans.

Les deux études :


* Enquête annuelle Mercer dédiée aux Négociations Annuelles Obligatoires et à la Prime de Partage de la Valeur 2023 : pour cette 11e édition, le cabinet a interrogé un panel de 142 entreprises implantées en France (DRH et de Responsables Rémunération & Avantages Sociaux) sur une période allant de novembre 2022 à mars 2023, par le biais d'un questionnaire en ligne et d'entretiens individuels.

 

** Observatoire annuel de la Performance Sociale et des Rémunérations 2023 LHH : l’enquête menée a permis de recueillir les pratiques de 130 entreprises, concernant près d’1 million de salariés de tous secteurs, tailles et chiffres d’affaires. Cette enquête comprend 41 % d’entreprises issues du secteur industriel (Agro-alimentaire, Services et biens d’équipement), 21 % issues du secteur tertiaire financier (Assurance, Mutuelles, Banque, Crédit), 10% d’entreprises issues de l’informatique et des nouvelles technologies (Constructeur, éditeur, ESN) et 28 % issues d’autres secteurs.

 

Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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