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Finances publiques

Ecologie, pouvoir d'achat, retraites : le programme économique chargé d'Elisabeth Borne

La Première Ministre a été investie ce lundi par Emmanuel Macron pour mener les réformes de son second quinquennat.

Elisabeth Borne est une proche d'Emmanuel Macron, et elle va devoir le démontrer de nouveau: en la choisissant à Matignon, le président réélu a fait de l'ancienne ministre des Transports mais aussi de l'Ecologie et du Travail, le fer de lance de son deuxième quinquennat.

La feuille de route a été clairement brossée, en quelques caractères laconiques, sur Twitter par l'Elysée: "Ecologie, santé, éducation, plein-emploi, renaissance démocratique, Europe et sécurité: ensemble, avec le nouveau gouvernement, nous continuerons d'agir sans relâche pour les Françaises et les Français", écrit Emmanuel Macron.

L'écologie, donc, sera la première grande cause du quinquennat, alors qu'Elisabeth Borne avait été chargée de la Transition Ecologique pendant moins d'un an (2019-2020). Elle devra désormais piloter la politique climatique française aux côtés de deux autres ministres, l'un dédié à la planification écologique, l'autre à la planification écologique territoriale.

De quoi mettre en place un programme écologique ambitieux mais poreux, largement orienté vers les seuls enjeux énergétiques : relance du nucléaire, multiplication des capacités solaires par 10 et ouverture de 50 parcs éoliens. Tout en gérant la crise énergétique actuelle, qui devra la pousser, notamment, à rouvrir une centrale à charbon pour passer l'hiver.

Sur le quinquennat, l'exécutif veut réduire les émissions de CO2 deux fois plus vite que sur le premier mandat, alors qu'une étude publiée par Rexecode et le MEDEF mentionnait hier que la décarbonation coûterait entre 60 et 80 milliards d'euros par an supplémentaires, dont 35 milliards pour les entreprises.

Le pouvoir d'achat pour baptème

Mais le premier dossier à gérer pour la Première Ministre, c'est le pouvoir d'achat: alors que l'inflation explose, le gouvernement a été poussé à réviser ses engaegements sur le sujet.

Au programme pour la prochaine loi de finances rectificative, la prolongation du bouclier tarifaire, la transformation des dispositifs de remise sur les carburants en une réduction vers les gros rouleurs, un chèque alimentaire de 50 euros pour les foyers modestes, ou encore la revalorisation anticipée des pensions de retraites.

Le tout, prévu pour la fin du mois de juin, en sortie de législatives: reste à savoir si Elisabeth Borne sera encore bien la locataire de Matignon à ce moment-là. En tout cas, le texte est prêt, dernier héritage laissé par le gouvernement Castex II.

Les retraites, pas prioritaire?

Autre dossier majeur, la réforme des retraites : et Elisabeth Borne en sait là encore quelque chose. Nommée au ministère du Travail en 2020, en remplacement de Muriel Pénicaud, elle est arrivée après l'échec de la première mouture, et a dû se concentrer sur l'adoption de la loi sur l'assurance-chômage.

Pour le second quinquennat, la question d'une réforme du régime, déficitaire à moyen terme mais à l'équilibre sur le long terme, revient, dans un contexte où elle ne semble plus nécessairement prioritaire.

Certains économistes, comme Daniel Cohen, interrogé hier sur RMC, soulignent que le projet n'est pas impératif. Les crispations générées pendant la présidentielle par les propositions du président-candidat (recul de l'âge à 64 puis 65 ans, notamment), devraient reléguer les retraites à un futur proche, passée la crise énergétique et du pouvoir d'achat.

Logement, compétitivité, "quoi qu'il en coûte": les thèmes délaissés

A l'inverse, d'autres thématiques sont pour l'instant absentes du discours de l'exécutif. C'est le cas des mesures de compétitivité, relativement discrètes dans le programme du candidat de La République en Marche : il proposait en effet 15 milliards d'euros de réduction d'impôts, dont 8 pour les ménages (redevance audiovisuelle, fiscalité sur les successions, charges pour les indépendants), et seulement 7 pour les entreprises, via la suppression de la CVAE, un impôt de production.

Le thème a disparu des éléments de langage de l'exécutif, Emmanuel Macron préférant mentionner le plein-emploi dans le tweet inaugural adressé à sa nouvelle cheffe de gouvernement. Un objectif déjà mis à mal par la stagnation des chiffres de l'emploi, à 7,3% de taux de chômage selon l'Insee au premier trimestre.

La France a aussi à rattraper un déficit commercial abyssal, qui vient de dépasser les 100 milliards d'euros, plombé par les prix de l'énergie importée. Elisabeth Borne devra continuer à mettre en musique le plan France 2030, première pierre d'une réindustrialisation souhaitable: la part de l'industrie dans le PIB flirte avec le 10% contre 16% en moyenne en Europe.

Autres points laissés de côté pour le moment, le logement, ainsi que les finances publiques. Sur le premier thème, le projet du candidat Macron se borne notamment à la rénovation énergétique de 700.000 logements par an - ce qui recoupe les ambitions climatiques de l'Elysée.

Concernant les deniers publics, aucune réforme du quoi qu'il en coûte n'est pour l'instant envisagée: la France, à coup de boucliers tarifaires, a décidé de faire peser sur l'Etat la charge de l'inflation énergétique. Un choix qui préserve les ménages les plus fragiles mais prolonge les dépenses exceptionnelles consenties au plus fort de l'épidémie de covid-19.

Valentin Grille