L’unité économique et sociale : une évolution souhaitable, mais à manier avec précaution…
Certaines entreprises se divisent dès qu’elles atteignent le seuil fatidique de 11 ou 50 salariés. Elles échappent ainsi à la mise en place d’institutions représentatives du personnel. C’est pour contrer ces manoeuvres qu’on a défini l’Unité Économique et Sociale, désignant le périmètre de sociétés juridiquement distinctes, mais présentant des liens étroits entre elles. Cela revient à les considérer comme entreprise unique, pour ce qui concerne l’application du droit du travail et la représentation du personnel.
Par évolution jurisprudentielle, l’UES peut aussi être reconnue sans circonstances “frauduleuses”. La loi (article L 2322-4) prévoit que si une Unité Économique et Sociale regroupant au moins 50 salariés est reconnue, par convention ou décision de justice, la mise en place d’un comité d’entreprise commun devient obligatoire.
Les UES sont ainsi utiles pour étendre la représentation du personnel et l’assistance, au sein de sociétés qui n’en ont pas.
Aucun autre texte n’y faisant allusion, c’est la jurisprudence qui a dégagé les critères et faisceaux d’indices permettant la reconnaissance de l’UES et ses conséquences.
Elle peut être reconnue devant le tribunal d’instance, et aussi par accord avec les organisations syndicales représentatives.
L’unanimité est alors impérative.
Les particularités de l’unité économique concernent la concentration des pouvoirs de direction, et la complémentarité des activités. Les mêmes personnes dirigent les différentes entreprises, les administrateurs y cumulent les fonctions ; les capitaux sont imbriqués, le même expert-comptable intervient… Les activités sont similaires, voisines, complémentaires ou connexes.
L’Unité Économique ne suffit pas : il faut aussi qu’existe l’unité sociale. On emploie le terme de communauté de travailleurs, établie lorsqu’il y a permutabilité, ou mobilité du personnel, entre les différentes sociétés, et ce, même si les salariés sont dispersés géographiquement. On recherchera tous les indices concourant à stigmatiser une gestion commune. Ils sont nombreux !
Régimes sociaux, prévoyance, mutuelle, règlement intérieur, accord de participation, convention collective, identité de conditions de travail, de rémunération et de statut social ; politique salariale unique, avantages sociaux et oeuvres sociales identiques ; gestion unique et centralisée par une DRH commune, gestion unique des services de paie, restaurant d’entreprise, dépendance financière, standard et numéro de fax communs, véhicules de fonction, etc.
Une fois l’UES reconnue, la mise en place d’institutions représentatives du personnel appropriées s’impose, quelle que soit l’échéance de leurs termes respectifs.
Il n’est pas obligatoire que les institutions soient mises en place au strict niveau de l’UES : l’instauration d’établissements distincts peut être prévue comme pour une entreprise classique.
Des mandats de délégués syndicaux, pouvaient préexister au niveau des entreprises entrant dans le périmètre. Une jurisprudence récente (Cass Soc 29/04/2009 N° 07- 19.880 FS-PB) établit qu’il appartient aux syndicats représentatifs de désigner des délégués dans le cadre de cette UES, et de mettre fin aux mandats antérieurs.
Les mandats désignés antérieurement à la reconnaissance de l’UES deviennent caducs.
Les conséquences de cette jurisprudence peuvent toutefois poser problème aux élus et délégués déjà en place, au regard de la nouvelle loi sur la représentativité.
En effet, des élections devront suivre la reconnaissance de l’UES. Un nouveau calcul de représentativité sera donc établi sans attendre le renouvellement des mandats à échéance: On peut alors imaginer qu’une société “entrant” dans le périmètre de l’UES et disposant d’un syndicat concurrent très influent , ou au contraire sans syndicat ce qui peut atténuer le score du premier tour, puisse bousculer les forces jusqu’alors en présence. Et d’autant plus, si elle apporte un fort contingent de salariés. Pour les syndicats en présence, Il convient donc de bien examiner la situation. On constate d’ailleurs que le nombre de reconnaissances judiciaires d’UES à la demande de l’employeur, ou manifestement téléguidées par lui, a nettement augmenté !
Isabelle Leminbach