L’hypothèse de fusion des CHSCT au sein des CE, restera comme l’un des désaccords majeurs ayant abouti à la rupture des discussions patronats/syndicats, à la fin du mois de janvier.
Représentants patronaux et syndicalistes n’étaient ce 22 janvier 2015 plus d’accord que sur un point : ils n’étaient pas d’accord. Après quatre mois de réunions, leurs discussions visant à “simplifier et améliorer le dialogue social en entreprise” se terminaient dans une impasse. Et l’invitation gouvernementale à trouver des voies susceptibles d’entraîner à termes une désescalade du chômage, resterait pour cette fois sans réponse.
Dans le viseur
Au-delà des positions, des postures, des uns ou des autres, la question d’une possible disparition des CHSCT (Comités d’Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail) aura été mise en avant par de nombreux commentateurs, pour illustrer cette rupture. De fait, l’hypothèse de voir cette instance fusionnée au sein du Comité d’Entreprise, apparaissait, – et notamment à la CFE-CGC –, comme un indéniable signal d’alerte, annonçant de graves reculs quant à la protection de la santé et de la sécurité des salariés.
Au fil des ans, le CHSCT est devenu une instance de prévention, qui met le travail au coeur des entreprises tout en prenant en compte la protection des travailleurs. “Depuis 1991, par une transposition en droit français d’une disposition européenne, les entreprises ont une obligation de mettre en place une politique générale d’évaluation et de prévention des risques professionnels. Les CHSCT en sont les outils paritaires, où la direction et les salariés sont représentés”, expliquait ainsi , expert en prévention des risques professionnels et psychosociaux, dans une tribune publiée sur le site Mediapart.
Le CHSCT est une émanation du Comité d’entreprise (qui réunit l’employeur, le délégué syndical ou les représentants des syndicats et les représentants du personnel élus par les salariés). Mais il est aussi une personne morale distincte, ce qui lui permet d’agir en justice contre la direction d’entreprise, sur les sujets qui relèvent de ses compétences : conditions de travail, définition des facteurs de risques pour la santé physique et les risques psychosociaux. À ce titre, rappelle également Gérard Doublet, “les membres du CHSCT co-élaborent avec la direction de l’entreprise des documents réglementaires (Document Unique) identifiant les risques, leur fréquence et leur gravité et les moyens de prévention appropriés que sont des améliorations d’installation, de sécurité, des formations des agents, etc”.
Simplifier, pourquoi pas. Rétrograder, non
L’expert ajoute également, et ce n’est certes pas anodin, que “parmi les facteurs de risques qui se sont considérablement accrus, il faut mentionner ceux liés aux réorganisations, aux restructurations et aux PSE, ces plans si judicieusement nommés plans de sauvegarde de l’emploi, qui encadrent des licenciements massifs et plus rarement des reclassements effectifs que la conjoncture et les politiques de l’emploi ne favorisent pas”.
C’est probablement ce pouvoir de retoquer un PSE que le MEDEF a voulu remettre en cause ; et plus largement, sa capacité à intégrer les facteurs de prévention des risques dans la “responsabilité sociale de l’entreprise”. Et c’est à l’inverse cette instance et cette capacité qu’a souhaité voir protégée la CFE CGC : un lieu d’échange qui doit garder ses prérogatives et ses moyens de fonctionnement.
Quelques jours avant la fin des débats, l’interrogation majeure posée par la Confédération CFE-CGC, rue du Rocher, devenait celle-ci : “Comment construire une politique de prévention si les entreprises ne se donnent pas les moyens de mettre en place un dialogue social efficace, anticipatif et sécurisant ?”
De son côté, l’expert Gérard Doublet concluait en décrivant “un mal typiquement français, qui ronge les relations sociales de nombreuses entreprises et même des sociétés mixtes comme les organismes de sécurité sociale”. Quand les pays européens, leurs entreprises et leurs syndicats ont su trouver une sorte d’équilibre fondé sur une vision sociale de l’entreprise, qui n’est pas contradictoire avec leur développement et leur prospérité, l’idée de co-construction (ne parlons même pas de cogestion) des relations sociales ouvertes reste chez nous idéologiquement inenvisageable.
Finalement, la CFE CGC prenant acte de la rupture, se disait dans un communiqué de presse “atterrée par l’autisme du patronat” ; les autres centrales étaient sur une longueur d’onde identique, tandis que le MEDEF évoquait de son côté “des débats de qualité et approfondis», sans qu’on sache à quel degré le commentaire devait être apprécié. Décidément, il n’y avait bel et bien qu’un seul point d’accord final. Celui d’un désaccord complet, tant sur la méthode que sur les enjeux.
Même du côté d’un observateur aussi mesuré que La Tribune, on estimait que “de fait, c’est essentiellement au sein du Medef qu’il fallait chercher les origines de cet échec”.
Pour avoir voulu remplacer le CHSCT par “une simple commission” obligatoire, dépourvue de la personnalité morale, rattachée au Conseil d’entreprises dans les sociétés de plus de 300 salariés, les fédérations les plus “radicales” auront ainsi mis fin à quatre mois d’effort.
Faut-il s’attaquer à un tel symbole ? Il serait surprenant qu’à moins de deux ans d’une échéance électorale nationale majeure, nos gouvernants prennent le risque d’ouvrir cette boite de Pandore.