Par Michel de Laforce
Deux ouvrages (1) et une loi en préparation (2) prouvent qu’un débat de fond prend de l’ampleur. Nous allons aboutir à plus de femmes dans les conseils d’administration, plus de femmes dans l’encadrement. Enfin une véritable mixité hommes-femmes dans l’entreprise ?
En tout cas, cette loi devrait contribuer à l’évolution des mentalités à tous les niveaux de la hiérarchie. Et cela, au bénéfice de tous puisque, comme nous l’affirmons à la FIECI, la mixité hommes femmes, notamment dans l’encadrement, est une richesse pour l’entreprise
Dans notre pays, les femmes sont de plus en plus nombreuses à exercer une activité professionnelle. Le développement de la mixité hommes femmes dans l’entreprise est en route. C’est une priorité pour la plupart des entreprises. Cela demeure aussi l’un des objectifs de notre action syndicale.
La place croissante des femmes dans le monde du travail
Dans un récent ouvrage, Guerre des sexes : stop !, Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherches au CEVIPOF, le centre de recherches politiques de Sciences-Po, souligne qu’année après année, les entreprises féminisent davantage leurs effectifs. Même si le chemin est encore long à parcourir pour par-venir à une égalité réelle, l’auteur cite des chiffres encourageants : la part des femmes dans le salariat est de plus en plus importante, atteignant 46%. Entre 25 et 49 ans, 82,9 % des femmes ont ou cher-chent un emploi. À la lecture des statistiques (3), Janine Mossuz-Lavau nous apprend, par exemple, que :
• Les femmes représentent 37,3 % des cadres et professions intellectuelles supérieures.
• Les femmes sont majoritaires parmi les professeurs et dans les professions scientifiques (54,6 %).
• Les femmes sont très minoritaires chez les ingénieurs et les cadres techniques d’entreprises (17,8 %).
• Les femmes sont 38,4 % au sein des professions libérales ; 42,3 % chez les cadres de la fonction publique ; 42,8 % dans les professions de l’information, des arts et des spectacles ; 41,3 % parmi les cadres administratifs et commerciaux d’entreprise.
Il y a là une dynamique indéniable. « C’est beaucoup mieux qu’il y a dix ans ! », remarque l’auteur.
Lutter contre les inégalités qui demeurent
Toutefois des inégalités demeurent. Ainsi, les femmes ne sont pas très nombreuses au sommet de la hiérarchie. Elles ne sont que 17,1 % parmi les chefs d’entreprise de dix salariés et plus ; et 8 % dans les entreprises de 200 salariés et plus. Or, tout cela pourrait évoluer si les lois prévues sont votées et appliquées, comme l’expliquait fort bien un grand dossier de La Tribune paru le 19 janvier.
Titré « Place aux femmes dans les conseils d’administration ! », il faisait référence à la discussion d’une future loi qui instaurera un quota de 40 % de femmes au sommet des entreprises du CAC 40.
Plus globalement, la quasi-parité hommes femmes sur le marché du travail n’a pas, pour autant, brisé les discriminations en tous genres : salaires inférieurs, déroulements de carrière moindres que les hommes, etc. On sait par exemple que les femmes représentent moins d’un tiers des effectifs totaux de l’encadrement et sont rémunérées 20 % de moins que leurs homologues masculins (4).
Pour nous, à la FIECI, la réduction de ces inégalités nécessite une mobilisation collective associant, dans un dialogue constructif, toutes les parties de l’entreprise. C’est dans cet esprit que nous observons que le ministre du Travail a déclaré vouloir « faire bouger les choses ». Nous attendrons donc, pour juger, le texte de loi (5) que Xavier Darcos promet sur « l’encadrement féminin ». Peut-être ce projet sera-t-il de nature à encourager les entreprises à définir, par la négociation, des critères comme la comparaison des salaires, les promotions, le recrutement ?
Les valeurs de la mixité hommes femmes dans l’entreprise
De telles démarches sont d’autant plus nécessaires que loin de représenter une contrainte, elles sont, pour les entreprises, une occasion de renforcer d’un même mouvement leurs performances sociales et économiques. C’est ce que souligne l’ouvrage Leadership au masculin et au féminin, signé récemment par Anne Cherret de la Boissière (6). Elle s’y réfère notamment à une étude démontrant de façon éclatante l’impact positif de la féminisation sur la compétitivité des organisations (7). Elle révèle en particulier que les entreprises ayant trois femmes ou plus dans leur comité exécutif, jouissent d’une per-formance financière 48 % supérieure à celle des entreprises du même secteur sans aucune femme aux postes de direction !
Pour cette « spécialiste du développement du leadership et du potentiel managérial des hommes et des femmes », il n’est pas question pour autant d’en revenir à la guerre des sexes. Au contraire, les valeurs traditionnellement masculines de la direction d’entreprise doivent aujourd’hui se mixer harmonieusement avec les valeurs traditionnellement féminines. Un membre de l’encadrement qu’il soit homme ou femme a ainsi « besoin de toutes ses valeurs et de toutes ses qualités, féminines et masculines, pour accompagner des équipes mixtes dans la performance, pour gérer leur complémentarité et pour déve-lopper son propre leadership ». À l’appui de sa démonstration, elle souligne, entre autres atouts, que les valeurs féminines sont tout particulièrement « adaptées au style de relation et de management interculturels » (8).
Au-delà de la loi,
promouvoir aussi la mixité sur le terrain
Ces dernières observations démontrent que la mixité hommes femmes ne saurait être réduite à une question de réglementation. S’il faut se féliciter que des lois contribuent à l’évolution des mentalités en servant d’aiguillons aux nécessaires réformes, il est nécessaire de relayer et accentuer cette dynamique sur le terrain. Comme l’écrit Anne Cherret de la Boissière : « La loi et les mentalités évoluent au rythme de l’émergence du leadership des femmes en entreprise. Des actions concrètes en faveur du leadership mixte et des pratiques rodées de leadership mixte dans les entreprises parviendront à très court terme à imposer leurs résultats et, de fait, ce nouveau modèle de management. » Pour cela, cha-cun peut compter sur la FIECI, ses élus et ses représentants. Car l’égalité homme femmes n’est, à no-tre sens, que l’un des axes d’une nécessaire réforme globale du management visant à revaloriser la place des hommes et des femmes dans des organisations accordant trop peu de place à l’humain, dans toute sa diversité ! Un objectif qui nécessite une poursuite de la mobilisation, tant les changements sont encore bien timides.
(1) Guerre des sexes : stop !, par Janine Mossuz-Lavau, Flammarion, 128 p., 12 €. Leadership au masculin et au féminin, par Anne Cherret de la Boissière, Dunod, 230 p., 26 €.
(2) Proposition de loi « relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle », discutée à l’Assemblée Nationale en pre-mière lecture, le 20 janvier 2010.
(3) Que l’on peut retrouver sur le site de l’INSEE (www.insee.fr).
(4) La Tribune, 19/01/10.
(5) Cette loi viendra après de nombreuses autres lois sur le sujet, comme celle de décembre 1972, relative à « l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes », ou celle de 2001 qui impose « l’égalité profes-sionnelle dans l’entreprise ». Rappelons que la réforme constitutionnelle de 2008 prévoit que la loi favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités professionnelles et sociales.
(6) Leadership au masculin et au féminin, par Anne Cherret de la Boissière, Dunod, 230 p., 26 €.
(7) Woman Matter, la mixité, levier de la performance de l’entreprise, McKinsey & Company, 2007.
(8) Le Manager global, par Michel Moral, Dunod, 2004, 232 pages, 26 €.
EXTRAITS
Une richesse pour l’entreprise – « La mixité et l’égalité professionnelle dans les entreprises du XXIe siècle sont une reconnaissance et une intégration des valeurs féminines nécessaires aux organisations pour être le reflet de la société de consommation, innover et, ainsi faire face à la concurrence mon-diale et à la crise. Un basculement des valeurs en entreprise n’est pas l’issue, mais un rééquilibrage des valeurs et une logique de complémentarité sont les clés de la réussite des entreprises aujourd’hui. Les entreprises qui gagnent sont celles qui associent les qualités féminines et masculines, qui savent manager la complémentarité des équipes mixtes et qui obtiennent de la performance grâce à l’harmo-nie et la cohésion de leurs équipes. »
Leadership au masculin et au féminin, par Anne Cherret de la Boissière, op. cit.
Des actions concrètes à entreprendre – « Certaines actions en faveur de l’égalité professionnelle et donc de la mixité sont déterminantes pour favoriser l’attraction, la progression, la fidélisation de nou-veaux et jeunes talents et la rétention de talents déjà existants dans l’entreprise : celles qui visent le rééquilibrage des postes entre hommes et femmes, la dissociation de la culture du présentéisme et du résultat, la révision des critères de détection des potentiels et des talents et la mise en place d’actions d’aide à la parentalité. »
Leadership au masculin et au féminin, par Anne Cherret de la Boissière, op. cit.
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