Par Michel de Laforce
Près d’une femme cadre sur deux (46 %) considère que son employeur ne lui confie pas suffisamment de responsabilités au regard de ses compétences professionnelles. Une récente enquête réalisée par le cabinet Accenture bouscule bien des préjugés quant aux aspirations des femmes au travail (1). Elle démontre notamment qu’elles seraient disposées à s’investir davantage si seulement leur hiérarchie leur en laissait la possibilité. Une situation d’autant plus navrante que, selon une autre étude, réalisée par le cabinet de conseil en stratégie McKinsey & Company, le leadership féminin influe très positivement sur la performance de l’entreprise (2). Autant de données qui incitent à interpeller les entreprises : et si vous faisiez enfin confiance aux femmes cadres ?
Accorder plus de place aux femmes dans le management des entreprises ? Pour le cabinet McKinsey & Company, c’est une question d’équité, mais surtout d’efficacité ! Après avoir démontré en 2007 que « les entreprises qui comptaient au moins trois femmes dans leurs instances dirigeantes étaient plus performantes sur le plan financier et organisationnel », le cabinet récidive dans une nouvelle étude.
Les qualités spécifiques du leadership féminin
Les experts ont d’abord identifié neuf comportements managériaux essentiels à la performance des entreprises. Puis, en s’appuyant notamment sur les travaux de scientifiques américains, ils ont constaté que cinq d’entre eux sont plus présents chez les femmes dirigeantes :
• le souci du développement des autres, notamment via le mentorat et la formation ;
• la claire définition des objectifs assignés à chacun et la capacité à reconnaître le travail accompli ;
• le sens de l’exemplarité, et notamment le souci d’évaluer les conséquences des décisions sur un plan éthique ;
• la vision mobilisatrice (ou l’inspiration) ;
• la prise de décision participative.
Les femmes partantes pour prendre plus de responsabilités
Dès lors, pourquoi ne voit-on pas davantage de femmes dans la hiérarchie et l’encadrement des entreprises ? En tout cas, pas parce qu’elles seraient réticentes à gravir les échelons ! À en croire l’étude menée par le cabinet Accenture dans 18 pays, près de la moitié des femmes cadres (46 %) estime en effet que leur employeur ne leur confie pas assez de responsabilités.
Pourtant, elles ont de l’assurance et de l’énergie à revendre ! Plus des trois quarts d’entre elles affirment « avoir confiance dans leurs compétences et capacités professionnelles ». Mieux ! Conformément aux désirs de tous les employeurs, elles se montrent, positives, « proactives » et volontaires. Près de six femmes sur dix considèrent leur carrière réussie ou très réussie et sont partantes pour relever de nouveaux défis : environ la moitié (46 %) d’entre elles affirme s’impliquer au-delà des tâches qui leur ont été explicitement confiées.
Pour progresser, elles ont notamment la volonté :
• d’acquérir de nouvelles compétences (78 %) ;
• d’envisager un nouveau poste ou une nouvelle mission (76 %) ;
• de relever de nouveaux défis (65 %).
Contrairement à un cliché bien établi, elles sont même majoritairement prêtes à travailler dans un autre pays si cela est nécessaire à leur carrière (54 %).
Offrir enfin aux femmes la place qui leur revient dans le management
Or, malgré ces atouts, les femmes cadres restent encore peu nombreuses. Selon le dernier baromètre de l’agence Capitalcom sur l’égalité professionnelle, la proportion de femmes dans les positions d’encadrement des sociétés du CAC 40 aurait régressé de 7 % en 2008 ! Pour remédier à une telle situation, Accenture suggmp;egrave;re de leur adjoindre un conseil capable de les orienter dans leur carrière.
Sans négliger cette piste, il convient toutefois de ne pas éluder d’autres facteurs comme les discriminations et l’incapacité à prendre en compte les contraintes spécifiques auxquelles doivent faire face les femmes. Ces dernières pèsent lourd. Marianne Bertrand, professeur d’économie à la Booth School of Business de l’université de Chicago, a réalisé récemment une étude sur les disparités de salaires entre les titulaires masculins et féminins de MBA (4). Elle pointe ainsi l’impact négatif des interruptions de carrières liées aux grossesses ou à l’éducation des enfants. Une situation persistante, qui n’évolue pas.
Défendre les femmes cadres, c’est défendre tous les cadres !
C’est ici que le rôle du syndicaliste-cadre devient prépondérant. En effet, pour offrir aux femmes la place qui leur revient dans la hiérarchie des entreprises, il ne suffira pas de souligner leurs capacités. La lutte contre les préjugés sexistes est bien sûr fondamentale et les représentants de la Fieci y prennent toute leur part. Cependant, il faut aller au-delà. Pour que les femmes puissent donner la mesure de leur talent au service de l’entreprise, il faut également leur permettre de mieux concilier vie professionnelle et vie privée, notamment familiale. Inutile de relancer la guerre des sexes ! Défendre les femmes cadres, c’est défendre tous les cadres !
(1) Untapped Potential : Stretching Toward the Future. International Women’s Day 2009, Global Research Results, Accenture (www.accenture.com), mars 2009.
(2) Women Matter 2, Mc Kinsey & Company (www.mckinsey.com), octobre 2008.
(3) Les Échos, 06/03/09.
(4) L’Agefi, 09/03/09.
EXTRAITS
Volontarisme des femmes cadres – Pour progresser, les femmes cadres dans leur ensemble affirment « acquérir de nouvelles compétences professionnelles dans le but d’atteindre un niveau hiérarchique supérieur » (67 %) ; « prendre des responsabilités supplémentaires pour avancer » (67 %) ; « demander régulièrement de nouveaux défis à leurs supérieurs » (50 %).
Untapped Potential : Stretching Toward the Future. International Women’s Day 2009, Global Research Results, Accenture, op. cit.
Disparités de salaires – « Si au début de leur carrière, les hommes et les femmes diplômés de MBA ont des rémunérations quasiment identiques, elles ne tardent pas à diverger, les revenus annuels des hommes dépassant de 30 points ceux des femmes cinq ans après l’obtention du MBA, et de près de 60 points entre dix et seize ans après le MBA. Trois explications à cela : les différences de formations antérieures au MBA, les différences en termes d’interruption de carrière et les différences d’horaires hebdomadaires. »
L’Agefi, 09/03/09.
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