par Michel de Laforce

Avec quels diplômes les jeunes accèdent-ils à un emploi de cadre ? Sont-ils bien armés pour entrer dans le monde de l’entreprise ? Deux études récentes permettent de dégager les grandes tendances de leur insertion sur le marché de l’emploi : un rapport de l’Insee (1) et les résultats de l’enquête 2009 sur l’insertion des jeunes diplômés issus des grandes écoles (2). Un point noir demeure : les différences de statut et de rémunération entre jeunes diplômés hommes et femmes ne s’atténuent que lentement. Autant de repères qui permettront au syndicaliste cadre de mieux cerner les attentes de ces jeunes générations.
Passe ton bac d’abord ! Et, surtout, continue tes études !

Quelques chiffres : « En 2007-2008, la France compte 14,9 millions d’élèves, d’apprentis et d’étudiants (1). » Soit autant de projets, d’ambitions, de désarrois… Surtout pour les 730 000 jeunes qui, chaque année, achèvent leur formation initiale. Parmi eux, « un sixième ont un diplôme qui sanctionne des études supérieures courtes et finalisées (DUT, BTS ou diplôme paramédical ou social) et un quart des jeunes sortent avec un diplôme du supérieur long (1) ». En effet, la diversité des formations a permis de mieux « coller » aux talents des uns et des autres : « Le taux d’accès d’une génération à un diplôme du supérieur est passé de 15 % en 1985 à 32 % en 1995 puis à 42 % en 2005 (1). » Un vivier d’où sortiront les cadres de demain. En espérant que le marché de l’emploi suive !

Pour quoi faire ? Pour être cadre, mon fils !

Tous métiers confondus, la rapidité de l’insertion professionnelle dépend de la conjoncture, avec un phénomène de « file d’attente » plus ou moins longue selon la période et les secteurs : les jeunes sont encore la première variable d’ajustement. Le meilleur « coupe-file » reste le diplôme : pour l’Insee, « la dégradation du marché du travail observée de 2003 à 2006 a eu peu d’impact sur le chômage des jeunes diplômés du supérieur (1) ». De plus, les trois quarts d’entre eux ont un contrat à durée indéterminée. Pour les diplômés issus des grandes écoles, le taux net d’emploi en 2008 est proche de 85 %. De plus, « le temps passé pour trouver un emploi se réduit régulièrement, 61 % des diplômés ayant un emploi l’avaient trouvé avant leur sortie de l’école (2) ».
Cela dit, leur patience sera mise à l’épreuve : « Parmi les diplômés de l’enseignement supérieur long, 48 % des jeunes sortis récemment de formation initiale occupent un poste de cadre en 2007 ; cette proportion atteint 67 % parmi la population possédant un tel diplôme depuis onze ans ou plus (1). »

Et toi, ma fille, pour tenter de l’être…

Les filles devront se montrer encore plus patientes que leurs camarades masculins ! En effet, quand il s’agit de parité, les données s’affolent ! « En 2007, près de 33 % des jeunes garçons âgés de 21 ou 22 ans sont scolarisés, contre un peu plus de 40 % de jeunes filles (1). » Et quand elles s’accrochent, les filles ont « un niveau de formation plus élevé que les jeunes hommes : en 2007, 55 % des jeunes actives possèdent un diplôme de l’enseignement supérieur contre seulement 41 % de leurs homologues masculins (1) ».
Comment ces résultats vont-ils se traduire dans leur insertion professionnelle ? Encore et toujours de manière inégalitaire… A la sortie des grandes écoles, 89,7 % des anciens élèves ont un statut de cadres. Avec une précision : « 93 % des hommes contre 84 % des femmes sont cadres. (2) » Et des différences notables, selon que l’école accueille une majorité de garçons ou de filles. « Les écoles d’ingénieurs les plus masculines [où le nombre de garçons est supérieur à celui des filles] forment presque exclusivement des cadres (97 %), le sexe des diplômés n’influe pas sur leur statut professionnel (2) ». En revanche, « un quart des femmes issues des écoles d’ingénieurs les plus féminines [où le nombre de filles est supérieur à celui des garçons] n’ont pas le statut de cadre (2) » !
Des disparités qui se révèlent au niveau des salaires : « Quelle que soit la catégorie, manager ou ingénieurs, les rémunérations moyennes des femmes sont sensiblement inférieures à celles des hommes. En nous limitant aux rémunérations perçues en France, les jeunes femmes diplômées perçoivent 2 000 € de moins pour le salaire brut hors primes par an auxquels s’ajoutent 1 000 € de primes en moins par an (2). »

Un statut qu’ils devront défendre !

On s’en doutait un peu : tout n’est pas rose pour la génération Y, notamment sur le plan financier, puisque « le salaire des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur long est en moyenne moins élevé en 2007 que celui des débutants de même niveau en 1990 (1) ». De plus, selon une enquête de l’Observatoire Cegos, « les politiques RH mises en place par les entreprises ne sont pas adaptées aux principales attentes et revendications des jeunes salariés (3) ». La majorité d’entre eux ne découvrent pas l’entreprise du jour au lendemain. De « petits boulots » en stages, la frontière entre études et emploi est de plus en plus floue. Ils ont le temps de faire leurs premières expériences – et n’hésitent pas à partir si leurs exigences ne sont pas prises en compte : « 56 % des jeunes sortis en 2004 de formation initiale ont changé au moins une fois d’employeur au cours de leurs trois premières années de vie active (1) ». En effet, « le monde du travail suscite avant tout inquiétude et méfiance, moins d’un tiers des jeunes appréhende le monde du travail avec curiosité. La première expérience au travail renforce le sentiment de méfiance à l’égard de l’entreprise. L’exigence augmente également (3). »

Une urgence pour le syndicaliste cadre : aller à leur rencontre

Quand il est demandé aux jeunes salariés : « Quelles sont les personnes qui vous ont le plus aidé à votre entrée dans l’entreprise ? », « dans votre développement professionnel ? », « en cas de difficultés ? », dans les trois cas, les partenaires sociaux arrivent bons derniers (3) ! En effet, s’ils n’ont pas une confiance immédiate dans les représentants du personnel, c’est bien souvent parce qu’ils ne les connaissent pas. Ou que ces derniers ne sont pas allés vers eux. Il convient d’y remédier. Alors, sachez-le : les valeurs les plus importantes aux yeux des jeunes sont le respect de la personne, la convivialité et la reconnaissance. Trois thèmes porteurs qui devraient permettre au syndicaliste cadre d’entrer en contact avec ses jeunes collègues dès leur arrivée dans l’entreprise !

(1) Rapport Formations et emploi, « Accès à l’emploi et carrière : le rôle de la formation initiale reste déterminant », par Arnaud Degorre, Daniel Martinelli, Corinne Prost, Insee, 2009. (2) Résultats de l’enquête 2009 sur l’insertion des jeunes diplômés, Conférence des Grandes Écoles, juin 2009. (3) Les 20/30 ans et le travail, Regards croisés des jeunes salariés et des DRH, Observatoire Cegos, juin 2009.
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EXTRAITS

L’apprentissage : des métiers traditionnels aux professions innovantes – « Pierre de touche entre formation initiale et politique d’emploi des jeunes, l’apprentissage s’est d’abord pensé comme une voie d’accès à la qualification professionnelle pour des niveaux de formation relevant de l’enseignement secondaire, hors baccalauréat. Sa diffusion vers des niveaux de formation plus élevés a largement contribué à la hausse du nombre d’apprentis, en parallèle au développement des baccalauréats professionnels. En 2006, quatre apprentis sur dix préparent un diplôme de niveau baccalauréat ou supérieur. […] Grâce à l’élargissement des niveaux de qualification, le nombre d’apprentis est ainsi passé de 250 000 en 1993 à 425 000 en 2008. »
Rapport Formations et emploi, « Accès à l’emploi et carrière : le rôle de la formation initiale reste déterminant », par Arnaud Degorre, Daniel Martinelli, Corinne Prost, Insee, 2009.

Alternance, stages, césures : comment apprivoiser le monde de l’entreprise ? « Le nombre de diplômés passés par des cursus en alternance ou en apprentissage augmente. En janvier 2009, il représente 12 % des diplômés de la dernière promotion, contre 10 % en 2008 et 9 % en 2007. La différence entre les deux types d’écoles est assez prononcée. 18 % des diplômés des écoles de management passent par la voie de l’apprentissage ou de l’alternance contre seulement 9 % des diplômés d’écoles d’ingénieurs.Près de la moitié des sortants des écoles de management ont effectué un stage de césure de plus de 9 mois lors de leur scolarité pour seulement 10 % des sortants d’écoles d’ingénieurs. La durée des stages effectués durant le cursus ‘école’ est relativement stable d’une année sur l’autre. Cette durée est en moyenne aujourd’hui de 11,4 mois dont 9 mois de stage obligatoire. Les diplômés des écoles de management passent en moyenne 13 mois en stage lors de leurs formations initiales. »
Résultats de l’enquête 2009 sur l’insertion des jeunes diplômés, Conférence des Grandes Écoles, juin 2009.

 

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