Par Michel de Laforce
« La conciliation des vies professionnelle et personnelle est un enjeu universel pour les salariés parents : 97 % d’entre eux affirment que l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale est un sujet de préoccupation important. Or, 72 % des salariés-parents considèrent que leur employeur ne fait pas beaucoup de choses pour les aider », constate le premier Baromètre sur la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale (1).
Quel rôle joue, ou peut jouer, l’employeur pour aider les familles à gérer au mieux les relations d’interdépendance entre vie privée et vie professionnelle ? Le syndicaliste cadre suivra avec intérêt les politiques des entreprises en matière d’aide aux familles : attentif aux attentes des parents salariés et aux besoins de l’entreprise, il pourra situer son action sur un terrain porteur : les inégalités persistent, et les équilibres souhaités tardent à s’établir.
L’entreprise et la famille
« Du fait du rôle prépondérant accordé à la politique familiale en France pour soutenir les parents qui travaillent, le rôle que peut jouer l’employeur a souvent été sous-estimé. Pour autant, il représente un acteur potentiel majeur pour aider les parents à mener de front vie familiale et vie professionnelle (2) », remarquent Ariane Pailhé et Anne Solaz, chercheuses à l’Ined (Institut national des études démographiques). Rappelons que cette politique familiale généreuse repose en grande partie sur les cotisations versées par les entreprises à la branche Famille de la Sécurité sociale…
Mais est-ce une raison pour qu’elles ne s’impliquent pas davantage auprès des salariés-parents ? Comment peuvent-elles les aider pour enfin dépasser le stade des « arrangements » à la petite semaine ? Si l’on sait que l’emploi féminin dépend en grande partie de la qualité de l’articulation emploi/famille, il devient impossible de faire l’impasse sur ce problème de société. Surtout dans le secteur de l’encadrement, où les jeunes femmes souhaitent maîtriser leur itinéraire professionnel tout en fondant une famille.
Des efforts, mais peut mieux faire…
Depuis une dizaine d’années, les pouvoirs publics se tournent vers les entreprises, et les incitent à aller au-delà des dispositifs législatifs inscrits dans le Code du travail et des accords de branche. Certaines entreprises ont formalisé leur souci d’implication, notamment avec la création d’un Observatoire de la parentalité en 2008, destiné à diffuser de « bonnes pratiques ». Une « Charte de la parentalité » a été signée par quelques grands groupes et par des PME.
Il y a encore loin de la parole aux actes : « interrogés sur leur investissement concret, seulement un tiers des employeurs déclarent que dans leur établissement des mesures pourraient être mises en œuvre », rappelle l’enquête de l’Ined. Dans les faits, « les ajustements exceptionnels ou d’urgence semblent plus faciles à obtenir que les arrangements quotidiens ». De même, si la vie familiale est prise en compte pour la planification des congés, elle l’est beaucoup moins quand il s’agit de changements de poste ou de promotion interne. Un espoir : les aides à la conciliation sont plus nombreuses « là où la représentation syndicale est plus forte et où la proportion de femmes dans les effectifs est élevée ». Il serait donc intéressant de pouvoir bénéficier des retours d’expérience de ces entreprises !
Un accompagnement sur la durée
Selon l’Observatoire de la parentalité, les salariés-parents « souhaitent un accompagnement professionnel tout au long de la vie familiale, plus que des mesures ponctuelles » :
• En termes de services : ils sont demandeurs d’aides régulières pour faciliter leur vie quotidienne (par le biais des Cesu, par exemple) ;
• En termes d’aides financières : ils donnent la priorité aux soutiens durables (mutuelles avantageuses pour les familles, aide au financement des études) ;
• En termes d’organisation du travail, ils sont plus attachés à des règles permanentes (travail à domicile et télétravail, limitation des réunions tôt le matin ou tard le soir) qu’à des dispositifs occasionnels (congés familiaux rémunérés, congés parentaux) ;
• En termes d’organisation professionnelle interne, ils aimeraient que la gestion des ressources humaines soit moins discriminante pour les salariés-parents.
Une priorité : l’aménagement individuel du temps de travail
« Les progrès dans l’organisation « family friendly » des temps de travail ne peuvent être faits qu’au niveau des entreprises, des partenaires sociaux et des salariés individuels », précise le rapport de l’Ined, pas au niveau de l’État. Or cette question est cruciale pour permettre de faire progresser réellement l’égalité hommes-femmes. Dans les univers professionnels qui sont les nôtres, où les femmes cadres sont soumises à des emplois du temps rarement compatibles avec une vie de famille, « inciter les entreprises à développer des politiques d’aménagement individuel du temps de travail pourrait être un levier efficace pour augmenter le taux de participation des femmes ». Trouver les moyens de négocier ce nouveau type de flexibilité constitue donc, sans nul doute, un chantier essentiel pour l’avenir !
(1) Premier Baromètre sur la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, réalisé par l’institut Viavoice en janvier 2009 et publié par l’Observatoire de la parentalité en entreprise, www.observatoire-parentalite.com .
(2) Entre famille et travail, des arrangements de couples aux pratiques des employeurs, ss la dir. d’Ariane Pailhé et Anne Solaz, La Découverte, 500 p., 27 €.
EXTRAITS
Quand l’enfant paraît… « La charge de travail, le stress ou la pénibilité qu’il génère, peuvent aussi peser sur les projets de vie de couple et d’enfant, comme sur la qualité de la relation conjugale. Toutefois, l’arrivée d’un enfant marque un changement profond dans les modes d’articulation entre vie professionnelle et vie familiale. Le surplus de tâches domestiques, les impératifs liés à l’éducation des enfants, les nouvelles contraintes horaires, conduisent à une réorganisation des temps de vie qui touche particulièrement les femmes. La baisse de leur taux d’activité après une naissance donne une mesure objective de la difficulté à concilier maternité et emploi. »
Entre famille et travail, des arrangements de couples aux pratiques des employeurs, op. cit.
Un exemple à suivre – « Les entreprises signataires de la Charte de la Parentalité considèrent à l’unanimité le soutien de la parentalité comme un levier de performance économique (100 % d’entre elles) et ont mis en place des actions concrètes pour répondre aux attentes des salariés parents : mutuelles avantageuses pour les familles (79 % d’entre elles), accès au travail à temps partiel sans impact négatif sur l’évolution professionnelle (85 %) ou encore aménagement des horaires en cas de problèmes familiaux (88 %). Cependant, la plupart des entreprises répondantes doivent encore innover en matière de télétravail, d’aide financière à la scolarité et de crèches d’entreprise. Enfin, ces entreprises doivent initier une véritable révolution socio-culturelle et managériale, condition sine qua non d’une réelle conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Fidèle à sa raison d’être, l’Observatoire de la Parentalité en Entreprise (OPE) incitera les entreprises à investiguer ces enjeux et favorisera l’essor du mouvement d’émulation qui est en train de naître entre les entreprises françaises sur ces sujets. »
Charte de la Parentalité, publiée par l’Observatoire de la parentalité en entreprise, www.observatoire-parentalite.com.
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