Une jurisprudence récente intéressante à connaître :
Les courriels adressés par un salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels. La chambre sociale de la Cour de cassation rappelle, dans un arrêt du 15 décembre 2010 non publié au bulletin, les nuances de sa jurisprudence en matière de messagerie électronique.
En l’occurrence, la responsable administrative d’une société vérifie toutes les messageries des postes informatiques des bureaux, pour remédier à une panne du serveur avec l’assistance téléphonique d’un prestataire de service. La boîte mail du responsable des ventes à l’étranger contient des courriels, sans intitulé, adressés à quatre destinataires, accompagnés d’images pornographiques. D’autres courriels, envoyés à une adresse Hotmail du salarié et à celle d’une autre personne, portent sur un carnet d’adresses électroniques de 21 pages. L’employeur, estimant que ces courriels, d’une part, mettent en cause sa responsabilité pour les images pornographiques diffusées à partir de son site professionnel et, d’autre part, constituent des actes déloyaux répétés d’appropriation et de communication de documents commerciaux de la société à des tiers, constituent dans leur ensemble une faute grave et procède au licenciement de l’intéressé.
JURISPRUDENCE NIKON
Le salarié conteste son licenciement en se fondant sur la jurisprudence Nikon selon laquelle le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée, laquelle implique en particulier le secret des correspondances. L’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942). Le salarié estime, dès lors, qu’il appartient à l’employeur, avant de prendre connaissance des courriers électroniques émis ou reçus par son salarié, de vérifier qu’au regard du destinataire ou de leur objet, ces courriels ne présentent pas un caractère personnel.
Refus de la chambre sociale de la Cour de cassation. Les courriels adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors de la présence de l’intéressé, sauf si le salarié les identifie comme personnels. Autrement dit, la protection de la jurisprudence Nikon ne joue que si le salarié a précisé que le courriel est personnel (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942 ; Cass. soc. 12 octobre 2004 n° 02-40.392).
La chambre sociale applique ainsi aux courriels la même jurisprudence qu’en matière de dossiers et fichiers informatiques. Les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour l’exécution de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les a identifiés comme étant personnels. Si tel n’est pas le cas, l’employeur peut y avoir accès en dehors de sa présence (Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-48.025 ; Cass. soc., 15 décembre 2009, n° 07-44.264).
Cass. soc., 15 décembre 2010, n° 08-42486
Le : 20/01/2011