
publié le 5 juillet 2010
Multinationale ultra rentable, Amadeus a réduit ses effectifs dans certaines entités, bloqué les augmentations… tout en versant des bonus “pharaoniques” à ses dirigeants et actionnaires. À Sophia Antipolis comme à Issy-Les-Moulineaux, les salariés enchaînent les manifestations pour plus d’équité des rémunérations… et plus de reconnaissance.
Environ 700 salariés français du groupe de réservations de voyages Amadeus, en grande majorité des cadres et ingénieurs, défilaient ce jeudi 10 juin dans les Alpes-Maritimes et les Hauts-de-Seine.
Ils persistaient à réclamer une plusjuste répartition des bonus et des rémunérations dans l’entreprise.
Même si recourir à la grève leur poserait juridiquement plus de problèmes, leurs collègues espagnols, britanniques et allemands approuvent et soutiennent ce mouvement, qui dure à présent depuis deux mois. Mais en dépit de son nom évocateur, Amadeus fait la sourde oreille, et sa direction tarde à rejoindre la table des négociations.
Les fonds de pension préfèrent réserver leurs largesses aux seuls actionnaires et dirigeants.
Hyper-rentable
Avec 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaire en 2009, et une marge d’exploitation nette supérieure à 20 %, le groupe international Amadeus est le leader mondial des services informatiques dédiés aux opérateurs du voyage (agences de voyage, compagnies aériennes, loueurs de voitures, hôtels, etc.).
Créée en 1987 par quatre compagnies aériennes, (dont Air France) l’entreprise est devenue une multinationale implantée dans le monde entier. Elle emploie plus de 8.000 salariés dans le monde, dont 2.200 à Sophia Antipolis, son centre mondial de développement, près de Nice. Hyper-rentable, la société est vendue majoritairement en 2005 à deux fonds spéculatifs, Cinven and BC Partners, qui l’ont rachetée grâce à un LBO (Leverage Buy Out – mécanisme d’achat d’entreprise par un fort endettement).
Le remboursement de la dette a depuis lors, largement servi d’alibi pour imposer une modération salariale sans rapport avec la profitabilité réelle de l’entreprise. Et en 2009, bien qu’elle apparaisse peu à plaindre, on l’a vu, les dirigeants imposent un gel des salaires, qu’ils justifient aisément par “la crise”…
“Sauf qu’en 2010, la réintroduction de l’entreprise à la Bourse de Madrid nous a donné accès aux comptes” explique le délégué syndical FIECI. “Et là, nous avons constaté que l’entreprise distribuait 200 millions d’euros à son top management, au titre des bonus… sans compter 500 millions versés en actions quasi gratuites pour le top management et en dividendes aux actionnaires !
À côté, les 55 millions destinés aux 7.800 salariés de l’entreprise faisaient pâle figure. Cela a sérieusement entaché le contrat de confiance qui liait les salariés à l’entreprise”.
Sentiment d’écoeurement
En mai, deux marches ont alors mobilisé les salariés, qui ont clairement exprimé leur mécontentement
D’abord insensible, la Direction a voulu freiner la troisième ; en proposant, – enfin – un premier geste. Rattrapage salarial au niveau de l’inflation (soit environ 1,5 % en France), +2 % d’enveloppe pour des augmentations individuelles en 2011, à quoi s’ajouterait un paiement de 4 % de bonus, également payable en 2011, en cas de hausse du cours de l’action. “Notre section CFE-CGC a salué la proposition, mais nous la jugeons largement insuffisante. Sans nous lancer non plus dans une logique de surenchère, précise le délégué syndical, nous entendons le souhait des salariés : ils attendent des différentes centrales syndicales qu’elles parlent, autant que possible, d’une même voix”.
Au-delà de la revendication salariale et financière, l’enjeu de ce mouvement est également plus subtil.
Claire Moigno, déléguée FIECI du site de Sophia Antipolis note que “dans une entreprise comptant 95 % de cadres, les écarts constatés dans les rémunérations sont loin d’être probants. Aujourd’hui les situations individuelles semblent dépendre de la chance, des opportunités, plus que de la reconnaissance des mérites. S’en suit un véritable sentiment de perte de confiance vis-à-vis du top management et de l’entreprise, notamment quant à leur capacité à reconnaitre la valeur réelle de leurs salariés, qui TOUS ont joué le jeu durant la période difficile du LBO. Si le management refuse de l’entendre et de le prendre en considération, ce sentiment d’écoeurement risque fort de marquer, à long terme, les relations sociales dans l’entreprise.
Notre mouvement possède des objectifs qualitatifs, autant que quantitatifs”.
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