Publié le 3 janvier 2008.
Heures supplémentaires des cadres : la grande hypocrisie (du 03/10/07)
En théorie, même les cadres au forfait sont concernés par les heures supplémentaires « nouvelle formule » entrées en vigueur le 1er octobre dernier. En pratique, ils auront toujours du mal à convaincre leur employeur de les leur payer. Explications.
Ce que prévoit la nouvelle loi
Toutes les entreprises et tous les salariés sont concernés par l’application de la nouvelle loi (1). Au 1er octobre 2007, les heures travaillées au-delà de la durée légale de 35 heures hebdomadaires sont désormais rémunérées en plus : – 25 % de plus qu’une heure normale, pour les 8 premières heures supplémentaires, de la 36e heure à la 43e heure incluse, – 50 % au-delà de la 43e heure. Même les salariés travaillant dans des TPE de moins de 20 salariés ont droit à ce régime. Alors qu’ils devaient jusqu’à présent se contenter d’une majoration de 10% de leurs 4 premières heures supplémentaires. La nouvelle loi prévoit aussi 2 autres cadeaux fiscal et social : le salarié ne paie plus d’impôts sur ces heures supplémentaires et les cotisations sociales sont allégées.
Le cas des cadres au forfait
La nouvelle loi n’exclut pas les cadres (mis à part les « cadres dirigeants ») du bénéfice des heures supplémentaires, puisqu’elle évoque les « conventions de forfait annuel en jours » des cadres. En effet, la majorité des cadres ne sont pas soumis aux mêmes horaires de travail que les autres salariés dit « intégrés » devant respecter des horaires collectifs. Libres d’organiser leur temps de travail en fonction de leur charge de travail, la grande majorité des cadres dits « autonomes » travaille au forfait, en général fixé à 218 jours maximum par an compensés par 11 jours de RTT. S’ils dépassent leur quota de 218 jours, ils pourraient donc être payés en jour supplémentaire – et bénéficier d’exonérations des cotisations salariales et d’impôt – à la condition : 1) que leur entreprise soit d’accord pour payer ce ou ces jours supplémentaires (donc qu’il reconnaisse le surcroît de travail) 2)…et que le salarié renonce à ses RTT ! Par euphémisme, on dira que ce dispositif paraît difficilement applicable.
Le hic
Il est toujours aussi difficile pour un cadre au forfait d’obtenir la reconnaissance de ses heures supplémentaires par l’employeur, même s’il arrive avant tout le monde au bureau le matin et qu’il éteint les lumières de l’openspace presque chaque soir. Car une rémunération forfaitaire tient justement compte d’un certain nombre d’heures supplémentaires par mois dont le paiement est intégré dans le salaire au forfait. Au-delà de ce nombre, le cadre fait donc des heures supplémentaires et devrait être rémunéré en plus. Sauf que nombre de cadres travaille sous une convention de forfait… dont ils n’ont jamais vu la couleur. Le code du travail n’oblige pas l’employeur à l’écrire, ni a fortiori à la faire signer par le cadre. D’où la difficulté pratique à faire reconnaître et payer des heures supplémentaires au delà de son forfait. Et même s’il a signé ce genre de convention, l’employeur pourra toujours lui opposer qu’il ne ferait pas d’heures supplémentaires s’il s’organisait mieux. D’autres parades existent comme celles pratiquées par ces entreprises qui empêchent leurs cadres de faire des heures supplémentaires sur leur lieux de travail (et ainsi éviter les contrôle de l’Inspection du Travail) : il leur suffit de bloquer l’accès aux locaux de l’entreprise trop tôt la matin et trop tard le soir. Incroyable mais vrai : certains cadres continuent néanmoins de travailler chez eux. Qui l’eût cru.
(1)Loi 2007-1223 du 21 août 2007 prévoyant une exonération d’impôt pour les salariés et de nouveaux allégements de charges patronales et salariales sur les heures supplémentaires. Le décret 2007-1380 du 24 septembre 2007 , paru au JO du 25 septembre précise ses modalités d’application.
Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr – Octobre 2007