Publié le 2 juillet 2010
Jean-Louis Porcher préside le SNEPI (Syndicat National de l’Encadrement du Personnel de l’Ingénierie), l’un des quatre syndicats de la Fédération FIECI. Dans une branche où
les salariés sont confrontés à des pressions complexes et multiples, comment imaginer ce que sera le syndicalisme de demain ? Comment mieux le valoriser aux yeux des jeunes collègues génération Y, qui en ont souvent une vision réductrice ?
“Génération Y”. C’est ainsi qu’on appelle la tranche d’âge née entre la fin des années 70 et le début des 90. Agés de vingt-cinq à quarante ans, ils sont “les forces vives” de nos entreprise. Mais soyons lucides : le syndicalisme leur apparait souvent une survivance un peu “rétro”, assez peu adaptée aux temps modernes.
Jean-Louis Porcher pense, lui, que le syndicalisme cadre a de l’avenir, à condition d’évoluer en cohérence avec celle des entreprises, des métiers, et surtout en prenant la juste mesure du changement dans les relations sociales au travail et de la vie privée.
Vous êtes un syndicaliste de terrain, Jean-Louis. Quelle est “la donne” présente, pour un syndicat tel que le vôtre ?
Jean-Louis Porcher : Le monde de l’entreprise change, sans cesse. Mais ses dernières évolutions, la course au profit, la mondialisation, la crise, vont impacter fortement l’avenir du syndicalisme, et notamment celui des cadres. Si on veut comprendre comment nous pouvons évoluer, il faut d’abord regarder la réalité économique de notre branche.
Nos métiers sont des métiers de services, mais à haute valeur technologique ajoutée : ponts, automobiles, centrales nucléaires, plateformes pétrolières, aéronautique…
Notre branche regroupe de très grosses entreprises, qui envoient leurs salariés chez leurs différents clients. Ceux-ci développent souvent des sentiments de double appartenance, difficiles à vivre. À l’inverse, on a pléthore de très petites structures, petits bureaux d’étude,
où l’implantation syndicale s’avère toujours difficile. Notre premier challenge, c’est de bien comprendre les exigences spécifiques qui pèsent sur nos collègues, et les difficultés que cela entraîne souvent pour, qui envisage de se syndiquer.
Pouvez-vous préciser ?
J-L P : Nos métiers exigent des formes différentes de mobilité : mobilité intellectuelle pour s’adapter à de nouveaux projets, mais aussi mobilité géographique selon les contrats et les demandes des clients. Les salariés ont souvent confrontés à deux entités différentes : l’employeur, avec lequel ils sont dans une logique de “partage financier”, et leur client, qui peut se trouver à cinq cent kilomètres, auquel ils apporteront leur connaissance et l’expertise technique. D’une certaine façon, cette double relation fragilise leur position. Cela rend légitime le rôle du syndicat, pour bien les défendre. Mais à condition de bien tenir compte de cette évolution des rapports entre le salarié et “SES” entreprises… celle qui le paye ET celle où il travaille.
Par ailleurs ces cadres, souvent les jeunes, développent en défense, des positions plutôt “individualistes”. L’adhésion possible à un syndicat leur apparaît relever d’un “deal”, d’un “échange”, comme dans les négociations qu’ils conduisent. Ils veulent bien écouter le discours du syndicaliste… À condition que celui-ci soit un “vrai” professionnel.
Cela suppose que les IRP soient de mieux en mieux formés…
J-L P : Absolument. Dans l’idéal, un syndicaliste moderne ne devrait pas être “un professionnel” totalement déconnecté du monde de la production.
Mais les évolutions du monde du travail et les enjeux des relations “humaines” (que j’appelle parfois “inhumaines”) EXIGENT également des défenseurs toujours plus compétents : donc mieux formés. D’autant que nos interlocuteurs, eux, le sont particulièrement. Jadis le “chef du personnel” venait du terrain. Aujourd’hui le RH ou DRH a fait de grandes études et connait et applique souvent le droit sur le bout des ongles.
La loi de 2008 modifie-t-elle la donne à ce niveau ?
J-L P : Le représentant syndical “désigné” par son syndicat a vécu.
Il lui faut maintenant se présenter aux élections, voir son audience mesurée. Et sa légitimité viendra de ce qu’on aura mesuré, effectivement, sa représentativité. Ensuite, le rôle de chaque syndicat et son influence vis-à-vis des interlocuteurs dans l’entreprise, dépendront évidemment du poids relatif de chacun dans la balance. Notre effort doit donc porter sur la formation des syndicalistes, élus ou non. Même un simple “RSS” (représentant de section syndicale) doit aujourd’hui porter l’image du syndicat, pour permettre à celui-ci d’ancrer son influence durablement dans les territoires et l’entreprise. Faute de quoi, sur le terrain, il cessera d’être “représentatif” et influent. Et c’est comme cela que nous serons crédibles auprès de nos collègues des générations (Y) montantes.
En leur donnant une image dépoussiérée du syndicalisme aujourd’hui, en phase avec l’époque et les préoccupations des salariés d’aujourd’hui
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